Dancing With The noise nouvelle version. dernièrement:

Faille spatio-temporelle: Temples, un hypnotique non-sens
























Je pensais que nous avions atteint le summum de la faille spatio-temporelle reliant les 60's et le 21ème siècle avec des artistes comme Jacco Gardner, Jack Bugg ou Foxtrot mais avec Temples je suis obligé de remplacer le mot "faille" par "gouffre"! Mon plaisir coupable du moment.


Temples, formation britannique, sort son premier album et c' est le gouffre spatio-temporelle absolu. Un gouffre acclamé un peu partout, quasiment le disque d' indie-music du moment. Un disque avec lequel le jeu consistant à le faire écouter en cachant sa date de fabrication se révélera hallucinant et trompeur pour celui qui les découvrira. Chaque titre de ce "Sun Structures" pourrait se retrouver dans une vieille compile 60's que l' entourloupe ne se verrait même pas. Des disques et des formations revival bien sûr que nous en avons vu. Des gens bornés, résolument bloqués sur une période donné de l' histoire du rock, un genre particulier, c'est pas ce qui a manqué depuis une quinzaine d' année mais avec ces jeunes anglais nous atteignons quelque chose qui échappe à toute logique. Ou plutot l' apothéose d'une logique. C'est qu'il faut préciser quelques petites choses sur les revival. Bien souvent certains filous cachaient leur manque d' originalité et leur nostalgie derrière un choix stylistique pas trop éloigné temporellement. Souvent l' indie des 80's et 90's sous couvert d'un hommage à une certaine idéologie. Un petit travail de réactualisation via la production ou un brassage de quelques connaissances en matière d' influences suffisait à faire passer la chose. Temples ne cherchent pas à nous leurrer. Temples n'en a  que foutre de la belle idéologie indie et de toute façon je crois bien que ces jeunes garçons ne savent même pas qu'il a existé un truc à la fin des sixties qui avait sérieusement remis en question l' héritage de l' époque dans laquelle ils se complaisent. Le Punk.
Temples n' a rien compris? Un petit peu mais comme cela arrive souvent les erreurs de certains deviennent des gestes héroïques quand elles sont autant surréalistes. Tout dépend ce que l'on entend par "héroïsme". Temples fonce tête baissé avec ses gros sabots. Dans un mur? C'est une sorte de trou noir et d' apothéose d' une logique. Trou noir dans lequel ils sont les premiers a être tombé et trou noir d' autant plus hypnotique et troublant que le disque se révèle...une réussite. Une réussite obsédante et gênante. Comment en est-on arrivé là?
En fait Temples est une forme de jusqu'au boutisme symbolique et très significatif de notre époque et de l'indie music actuelle. La fin d'une logique déraisonnable. Se couper du terrible présent et ne pas affronter un futur incertain pour se lover dans un imaginaire dépassé, irréalisable et si facilement susceptible de devenir un cocon protecteur douillet grace au format pop. Et les Temples en mettent une sacré couche, bien plus que bon nombre de leurs contemporains psyché. Avec leur naïveté il explose le maniérisme culturel des MGMT et font passer les gentils Jagwar Ma pour d' inquiétants androïdes électroniques venant du futur tel terminator  avec leur récupération d'un genre vieux d' à peine... 20 ans!(Madchester)
  Un non sens ces Temples je vous dis. Les titres sont de la pop-psychédélique pure plus proche parfois de la variété internationale de la fin des 60's que de ce que l'on a appelé depuis des années sa version moderne et alternative, le néo-psychédélisme (Flaming Lips, Animal Collective, Spacemen 3, Primal Scream, Mercury Rev et même Deerhunter). Un truc calibré pour s'emparer des ondes radios de toutes les époques. Couplet-refrain-pont et immanquablement on retournera sur une tuerie de refrain. L' aspect rock progressif Pink Floydien des Tame Impala  est évacué comme l'est le machiavélisme modernisateur des australiens en terme de production. Avec Temples on est dans la droite lignée des Procol Harum, Billy Nicholls, les Hollies, les Zombies et les Moody Blues. Les Procol Harum avaient cette vieille scie de "A whiter shade of pale" et bien Temples a aussi sa tuerie pop 60's et ce putain de refrain gluant et jubilatoire aussi bien capable de remplacer la chanson titre du film pop "Le Cerveau" que d' émouvoir votre maman qui se souviendra d'un slow torride avec votre géniteur vers 1971.



 Et ne parlons pas de l' aspect visuel du groupe. L' attirance est aussi étudiée dans ses moindres détails. Le chanteur avec son  maquillage et sa coupe de cheveu évoque tellement Marc Bolan comme dans certains titres que c'est bien simple, j' ai peur qu'il pousse le mimétisme jusqu'à s'emplafonner à un moment ou un autre volontairement dans un poteau à bord d'une austin mini.
Ce qui caractérise cette petite réussite qu'est "Sun Structures" est la parfaite synthèse d'une époque, d'un  courant et d'une large palette d' artistes . Si leur titres risquent à chaque instant le pastiche ces gamins par leur songwritting et leur connaissances encyclopédiques trouvent toujours le moyen de vous étonner plusieurs fois dans le même morceau. La performance est d' autant plus forte que depuis 50 ans le style musicale et la production semblait tellement datée et mille fois revue que l'on ne pouvait pas s' attendre à cet élément de surprise  sans que cela passe par une réactuallisation. D'ailleurs ce qui gène le plus c'est peut-être de se demander  ce que ces mecs avec leurs talents et leurs maîtrise dans la composition pourraient bien faire avec des éléments plus modernes. L' électronique ou même l' art des pédales d' effets du shoegaze et du bricolage à la Sonic Youth.

 Certaines vieilles taupes du rock indie briton ne s'y sont pas tromper en vantant à qui voulez encore un peu les écouter. Nono Gallagher et Johnny Marr des Smiths. Et en matière d' utilisation futée de la nostalgie de l' Angleterre dominatrice des 60's en pop-rock les deux s' y connaissent. La surcharge sonore psychédélique des Temples absente chez les Smiths  et leur refus de tomber dans le  rock de stade boogie woogie pour hooligans à la Slade comme Oasis en leur temps  rapproche ces jeunots d'une autre formation oubliée de la Britpop. Et c'est vrai que si on doit chercher une filiation  avec un truc post 1971 chez eux c' est bien du coté de cette satanée britpop et son anglo-centrisme . Quand avait-on osé autant évoquer le psychédélisme 60's sans retenue?
Et la réponse fut sacrément ironique et comique.



 En fait Kula Shaker et la Britpop sont la clé pour comprendre le pouvoir d' attraction des Temples et ce qui a changé depuis les 90's.  Pourquoi ce disque porteur de tout ce qui m' ennuie actuellement m' intrigue et au final laisse dans mon esprit un indéfinissable charme.
 C'est le psychédélisme dans son ensemble la lubie des Temples et c'est pour ça que Kula Shaker intervient. Il faut se souvenir de l' arrivée de Kula Shaker en pleine Britpop. Entre incompression, logique d'un mouvement passéiste et coup de foudre sans lendemain. Les Kula pondait une musique nostalgique que les Blur, Oasis et autres Pulp rechignaient parce qu'elle ne prenait même pas la peine de s' habiller des vêtements de la réactuallisation, sociale comme musicale. La Britpop c'était de la nostalgie de l' âge d' or britannique (les 60's) face aux invasions grunge américaine, la volonté d'un renouveau pop face à une perte de repert provenant  de la vague rave et électro et des changements des types de morceaux qui en découlaient. Très déstabilisant pour certains sous l' ère post-Tatcher . Mais par modernisme, ou culpabilité les Damaon Albarn et compagnie tentaient de réactualiser un vieux mythe. Kula Shaker n'en prenait même la peine et c'est pour ça que le retour de bâton fut terrible. Le manque de talent et d' originalité sur la longueur étaient sans doute aussi  les raisons. Pourtant le temps de deux ou trois single Kula Shaker avait atteint ce qui fait le charme des Temples. Plus tard ils ont voulu changer leur habillage trop voyant sixties pour ceux plus brut des 90's et la baudruche s' est dégonflée.
Temples par leur obnubilation vont plus loin  et leur succès critique contraire à celui des Kula Shaker démontre à quel point notre époque est marqué par le sceau du désespoir. Kula Shaker cartonnerait encore aujourd hui et même plus. Serions-nous moins regardant face à autant de nostalgie? Bien sûr tellement nos sociétés sont désespérées . Et plus c'est gros plus ça passe. Un truc curieux se produit. Alors que nous croyions que la surcharge psyché 60's et son coté rétro accentué ne passerait pas et bien c'est tout le contraire qu'il se produit. Le blues-rock des White Stripe, le punk-rock New Yorkais ou des Libertines,le post-punk électronique de LCD, ou la folk de Grizzly Bear, tous  prouvaient que la sobriété et le minimalisme semblait l' imparable passe-partout temporel à adopter pour éviter un aspect rétro trop voyant. Temples semble démontrer le contraire. Et va-s'y que je te convoque tous les instruments inimaginables, que les manipulations du son se superposent et se succèdent les unes aux autres. Que je te passe du coq à l' âne avec brio sans que cela devienne indigeste.


Pour finir je me demande encore pourquoi j' aime me vautrer dans ce disque qui est l' exact opposé de ce que je recherche dans la musique actuellement? Le futur.
Et si finalement la réponse n' était que plus évidente. Temples sont de sacré filous mais surtout un truc plus que logique mais une logique qui n' est pas dans ma nature à première vue. Suffit d' allumer votre télé, votre radio et d' aller sur les sites communautaire pour lire certains commentaires nauséabond. La démarche des Temples n'est juste que le pendent que celle d' autre. Le pendent heureux et libertaire. Certains par peur du présent et du futur, par réaction, regrettent un passé pour de très mauvaise raisons. Et nous voyons un recule sur beaucoup des progrès sociaux offert par les sixties (les antis- mariage pour tous en France et l' avortement en Espagne), retour du racisme et de la peur de l' autre et tout le monde subit le quotidien  la tête dans le guidon . Surveillance généralisée sous couvert de protection infantilisante et big brother omniprésent. Temples avec son amour irraisonné du psychédélisme se sont rappelé de ce que ce truc signifia autrefois. L' envie de s' échapper du quotidien et des vieilles valeurs castratrice et liberticides.
Alors dans ce sens écouter Temples ne fera pas de vous un affreux "réac". Tout au moins un gentil gars décroché du présent pendant un instant.







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