Dancing With The noise nouvelle version. dernièrement:

En passant : L' étrange et magique monsieur Patten .
























 L' étrange Monsieur Patten dans DWTN c'est ici, un peu par là, et beaucoup .

En 2014 il va être beaucoup question de cet étrange individu qui se baptise Patten. De lui on ne sait quasiment. Ni sa réelle identité, ni le fond de sa pensée tellement ses interviews sont énigmatiques. Dancing With the Noise vous a déjà parlé de cet artiste depuis deux ans mais jamais en profondeur. C'était toujours trop furtivement à mon gôut. Je vais tenter de réparer cela.




Patten sortira donc en 2014 son second album officiel chez Warp. Sa signature sur ce légendaire label est un  gage de reconnaissance et surtout d'une plus grande notoriété comme  le démontre sa plus forte exposition sur la toile et la sphère médiatique depuis son premier ep pour le label britanique en Décembre dernier. Mais Patten depuis son apparition chez No Pain in pop auparavant a déjà écrit une longue histoire loin d' être anecdotique.
Quiconque qui est tombé sur les titres de GLACJO XAACSSO en 2011 s'est vu confronté à un mystère passionnant. Un mystère qui en a marqué profondément plus d' un et plus particulièrement votre serviteur. GLACJO XAACSSO m'est apparu comme une sorte de purée sonore à la fois déstabilisante et passionnante. Un monstrueux gloubi boulga de références, de sons et d'univers assemblés par un esprit complexe, génial et joueur. Un de ces rares disques dont on éprouve sans cesse le besoin  de s'y replonger pour percer les mystères. A chaque fois avec plus de plaisir mais aussi plus de frustration parce qu'en définitive l' auditeur n'en trouve jamais la clé.


La critique dans son ensemble y avait repéré un lourd héritage Warp et résuma GLACJO XAACSSO comme un simple enfant des années Warp. Il est vrai que cette musique portait en elle des traces évidentes d'une passion pour les artistes symboliques du label et de ce que l'on nomma l' IDM. Autechre, Aphex Twin étaient les plus souvent cités. Les autres influences revenant de temps en temps  étaient  la Drum & Bass (Goldie) et le hip hop expérimental (Flying Lotus). Des artistes eux aussi  rapprochés régulièrement à l' univers Warp.  Parfois on parlait d'une House-music tordue.  Mais la musique de Patten était bien plus complexe que cela. Certains ont évoqué Boards of Canada et on ne pouvait que leur donner raison face aux penchants hauntologiques de Patten, grand fan par ailleurs de Stéréolab et du Focus Group.
Boards of Canada, ces faiseurs d'une IDM ambient géniale qui eurent la particularité non négligeable (dans le cas présent) de séduire  en leur temps (la fin des 90's) les fans transis d'un shoegaze alors à l' arrêt et pas encore sujet au revivalisme.Comme la musique des BOC celle de Patten apparaissait ainsi à la fois vaporeuses et bruitiste. Donc captivante pour les éternels shoegazers. Mais si l' adjectif vaporeux est souvent synonyme de langueur chez d' autres avec Patten nous étions aussi confronté à une débauche de samples souvent très courts se succédant ou s' additionnant les uns aux autres sous formes de couches hyper complexes et riches.  Les sonorités souvent "froides" semblaient étouffées parce que le bonhomme abusait sans cesse de la compression des sons. Ses rythmes discrets provenant d'une batterie rachitique évoquèrent du coté de ses contemporains des gens comme Actress en premier lieu. Une batterie rachitique perdue au fond d' un océan de sons tourneboulant tout autour d'elle comme chez  Andy Stott. Mais plus on se penchait sur son cas et ses sonorités "étouffées" et plus une évidence apparaissait. Si Patten charmait certains c' était bien souvent parce que sa musique contenait des similitudes flagrantes avec un courant étranger à l' aventure Warp et bien plus récent,  l' hypnagogique-pop.


En un sens les premières oeuvres de Patten évoquent des artistes  souvent proches eux aussi de l' hypnagogic-pop ou qui lui ont succédé. Par exemple je pense à des gens adorés ici tel Huerco S et Sand Circle en premier lieu. Cette idée  à première vue exagérée et fausse qui consistait à tracer un lien entre Patten et les Ferraro, Ariel Pink, Lopatin et autres trouva un heureux écho dans l'une des interviews du type quand il expliqua vouloir travailler "dans un état subliminal entre la veille et le sommeil". Pile poile ce que l' on appelle l' état de conscience hypnagogique. Petit clin de la part de ce facétieux en interview(il avait répondu à une autre interview qu'en balançant des liens wikipédia et autres).
Si quelques-un parlèrent de Patten au moment de la  sortie de son premier album ce fut bien souvent en négligeant ce fait et ainsi prirent son disque avec des pincettes.  En gros l' accueil critique était loin de l' enthousiasme  dont certains profitent avec des premiers albums évident donc logiquement facile à assimiler. Avec Patten si une chose est à retenir absolument c'est que le mot "évidence" est à proscrire de votre vocabulaire. C'est vrai que GLACJO XAACSSO  pouvait se révéler difficile d' accès à cause de la relative abstraction qu'il offrait. La musique de Patten s' apparentait au cours des premières rencontres à un gros bordel fait d' égarements et de moment de grâce. On pouvait à la fois se sentir complètement rejeté et par instant totalement hypnotisé.
A la suite de son album c'est encore à un véritable jeu de piste que les fans durent se livrer. Mais cette fois-ci ce ne sera pas directement au travers de l'oeuvre  musicale du bonhomme mais par le biais de mixtape incluant d' autres artistes et par la création d'un label.


Deux de ses mixtapes traînant  sur la toile sont fondamentalement instructives sur l' état d' esprit du bonhomme et sa musique. Patten est un historien révolutionnaire de la musique. Quelqu'un qui en effet s' appuie sur une connaissance encyclopédique de l' histoire WARP et de l' IDM mais qui en plus se révèle être un véritable boulimique de toutes les musiques et un chercheur à tout va. Grosses cultures électro fatalement, mais aussi indie, post punk  et rock pour ne citer que quelques unes. Un type qui sait ce qu'il doit aux grands noms du passé mais qui n' hésite pas non plus à maltraiter ses influences pour en tirer de la nouveauté. Comme Daniel Lopatin il s' accapare des choses parfois très référencées, les change de contexte puis les transporte dans un univers totalement inédit. La mixtape la plus emblématique de son état d' esprit est celle qu'il délivra il y a bientôt 3 ans. Sa Factmix 285 (voir ici ) nous dévoile un petit peu les secrets de ce musiciens si mystérieux et énigmatique. Dès le début il s' empare d'un titre des Pixies et à coup de burin, maltraite jusqu'à rendre totalement méconnaissable ce classique ("Bone Machine") pour finalement le transformer en vaisseau spatial et prendre la direction des étoiles. La liste des artistes subissant les outrages de Patten est un suite de grands noms tous aussi géniaux les uns que les autres. Ce type a tout simplement fouillé dans notre collection et arrive, là où tant d' autres ne font qu'une redite, à nous surprendre. Le mystère et le génie Patten avait encore frappé. Même Joy Division et le fantôme de Ian Curtis ne s' en sont toujours pas remis. Peut-être le travail le plus shoegaze de sa carrière jusqu'à présent.

 En Décembre dernier il publie donc chez Warp son premier ep pour le label, "Eolian". Peu de changement par rapport à GLACJO XAACSSO si ce n'est par moment l' abandon de la froideur de l' IDM pour une certaine forme de psychédélisme un peu plus chaude. Si "Eolian" ne surprend pas le fan de la première heure le bonhomme répond via une nouvelle mixtape prodigieuse et révolutionnaire à nos doutes et à certaines critique survenues avec son premier album. Beaucoup lui reprochait son petit coté "je pars dans tous les sens". L' aspect fourre-tout et zapping endiablé de sa musique. Patten balance une putain de mixtape intitulé, "45 minutes (Atomexetyne mix)", geste tout sauf anodin. Atoméxétyne quésaco? Il s' agit ni plus ni moins d'un médicament contre les troubles de l' attention et de l' hyperactivité chez l' enfant et l' adolescent. Et nous voilà confronté donc en 45 minutes à 45 titres à peine liés entre eux. Et à nouveau c'est une addition de référence ultimes et Patten nous bouscule encore une fois. Patten sans aucun travail de mix à proprement parlé nous prouve que ce travail est inutile et que l'on peut faire du neuf avec du vieux juste en isolant certaines partie de titres et en les collant  bout à bout le plus simplement possible. Nous nous retrouvons face à une masse d' influences et de références, cette fois non maltraitées, mais inexplicablement ensorcelantes. Les univers apparemment éloignés s' entrechoquent et de cette confrontation quelque chose de nouveau apparaît. Des paysages que nous avions jamais vu. Comme si Patten nous offrait à voir une nouvelle dimension. Comme dans sa musique de Patten. On passe d' Autechre (Warp/Idm 90's) à Ariel Pink (hypnagogic pop 00's), de l' électro d' avant-guarde de Laurel Halo à ce bon vieux chantre de la répétition Steve Reich pour se retrouver confronter à un vieux fantasme de notre adolescence, le légendaire et super pop-mainstream "Manchild" de Nene Cherry. (Mixtape dispo ici ).





Et nous voilà enfin arrivé  en Février 2014 et la sortie de ce nouveau monstre d' étrangeté et de magie, "Estoile naiant". Un disque autant espéré que craint. Trésor ou ratage? Allait-il s' empêtrer dans ses idées et ses références ou trouvera-t-il les clés du paradis?


 Autant vous le dire tout de suite c' est le disque le plus passionnant que j' ai écouté depuis des semaines et m' étonnerait pas qu'il en soit ainsi pendant  un bon moment. Comme je l' écrivait "GLACJO XAACSSO" pouvait sur la longueur perdre son auditeur parce trop de tout, trop d' idées, trop de couches sonores, trop de sons. Avec "Estoile naiant" c'est tout autre chose. Plus concis, méticuleux. Un chef-d' oeuvre raffiné. Après plusieurs écoutes on comprend ce qui fait la force de ce disque par rapport au précédent. Il est plus compact et laisse une trace indélébile par son étrangeté toujours immense. Les multiples strates de sons brillent toujours par leur nombre mais apparaissent à présent moins bordéliques et hasardeuses. Et Patten confirme tout ce qui a été dit juste avant. Ce type, comme avec ses mixtapes, utilise son savoir encyclopédique des musiques qui ont compté sans que l'on ait une seule fois le sentiment de déjà connaître. C'est rare les artistes comme lui de nos jours. Tout ce que l'on croyait savoir devient étrange. Il bouscule les idées reçues et nous offre une musique d' avant-guarde inédite. Patten fait vraiment ce que beaucoup d' autres aimeraient  sans jamais y arriver, faire du neuf avec du vieux. Faire à la fois une musique complexe et jouissive. Pour le cerveau et pour le corps.  Le passé est donc encore moins identifiable à part quelques manières à la Autechre et à la Aphex Twin. Mais des manières déformées, les façons de faire mais version  quatrième dimension. Sur la lancée du ep "Eolian" Patten nous offre le psychédélisme du 21ème siècle, un psychédélisme où la  chaleur s' entrechoque avec de l'air glacial . Entre les chimères vaporeuses d' Actress et de l' hypnagogique-pop et les sons virtuels quasi réel d' Onéohtrix Point Never.
Mais avant de vous y jeter sachez une chose braves gens. Le fameux mystère de monsieur Patten ne vous sera pas encore dévoilé mais par contre, vous en ressortirez totalement hypnotisé et vous trouverez le quotidien bien morose.

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