48° 56' 88'' N , 1° 92' 57'' O , premier épisode.
Savait-il le gamin de 21 ans dans le train Limoges-Poitiers le 18 août 1995 que le voyage commencé allait se répéter de très nombreuses fois à l'avenir? Qu'il prendrait l'apparence aux yeux de son entourage d'une sorte de coutume et ce bien malgré lui et à tort? Avec cette dernière il peut arriver que l'on sache plus vraiment pourquoi on la pratique. Pour la RDR ce n'a jamais été le cas. Le même enthousiasme que pour la première fois.
S'il se trouvait quelqu'un pour le lui prédire, je me demande bien ce qu'il aurait répondu le gamin? Il l'aurait très certainement renvoyé sur les roses le devin du jour. A cet âge on ne veut surtout pas ressembler à ses parents et leurs "ridicules" rituels annuels.
Je vais bien sûr évoquer des souvenirs musicaux. L'évolution de la musique indie, des modes, du public, des styles, des courants. Vous comprendrez que ce qui pousse à faire le pèlerinage est principalement la passion. La passion pour la musique mais aussi des choix philosophiques, politiques et un besoin profond de se ressourcer au fil du temps. J' évoquerai aussi des trucs plus personnels. Il fait partie de nos vies, de notre histoire.
Certains se rendent au stade tous les dimanches, d'autres c'est un bon restaurant mensuel ou la séance de ciné hebdomadaire. On se remémore les vacances et on tisse des liens avec l'histoire familiale. "La petite? Elle avait quel âge pour notre visite de Fort Boyard? Tu Te souviens? On l'avait perdue dans la foule. Oui parfaitement, c'était l'année du décès de la tante Simone. On avait du écourter notre séjour".
Parfois, c'est juste une réunion de famille avec l'arrivée de nouvelles têtes et l'irrémédiable départ de certaines. Le temps s'écoule devant toujours les même endroits. Finalement, ils sont les seuls témoins qui peuvent raconter l'histoire dans son intégralité et les pierres du Fort Saint Père en ont des choses à raconter sur mon compte et sur d'autres.
Pour moi c'est à la mi-août que ça se passe. Je vais à La Route du Rock à Saint Malo. J'ai vu évoluer la Route du Rock et la Route du Rock m'a vu grandir, changer, douter, pleurer, tomber amoureux et bien sûr vieillir. Et puis se rendre à un festival de musique c'est toujours mieux que passer tous ses étés dans de moches cités balnéaires du Roussillon. Surtout s'il s'agit DU festival "pas comme les autres".
La première fois :
Il a fallu que mon pote Seb me pousse à y aller. J'étais plutôt tenté par le soleil de la première édition du festival de Benicassim. Mes parents se rendant dans le Roussillon, il m'aurait été facile de prolonger jusqu'à la province de Castellòn. L'affiche espagnole était hallucinante: Jésus & Mary, Ride, The Charlatans, Carter Usm etc... Ne trouvant personne pour m'accompagner en terre espagnole, je décidai d'y aller à ce foutu festival Breton. De toutes façons je ne prenais pas trop de risques, Bernard Lenoir était de la partie. Si Dieu le père s'y rendait alors ses apôtres se devaient de le rejoindre.
Vous êtes-vous déjà rendu compte à quel point certaines habitudes sont vite prises au cours des années? Premières foulées dans le fort et petite inquiétude des limogeauds loin de leurs terres. "Comment fait-on pour se retrouver? Et si on allait là sur la droite, à mi-chemin entre la scène et la régie? Ok !".
Ainsi en 1995 pour la première fois et pas la dernière, je me suis également perdu dans Saint Malo, promené le long de la Chaussée du Sillon en me méfiant des mouettes (l'avenir me donnera raison), j'ai rouspété sur la horde de touristes avec leurs garnements dans Saint-Malo intra-muros, gueulé que les restos étaient trop couteux, pesté contre le lever tardif de mes compagnons, cherché Lenoir, trouvé Soulier, attendu devant chez Sanchez, glacier de son état. Et puis et surtout, mangé, brossé mes dents, acheté des bières, pissé et chié au Cora de Saint Jouan des Guérets.
Bref, avec Seb, Magalie, Angeline, Stéf & le plus grand des "frères pétards", nous découvrions les jalons obligatoires de ce qui allait devenir un pèlerinage pour nous et bien d'autres. Je ne cite pas la séance de toilette collective dans le cimetière de Châteauneuf d'Ille & Vilaine, je n'ai jamais pu trouver par la suite des personnes tentées par l'expérience. Mais je vous la conseille.
S'il se trouvait quelqu'un pour le lui prédire, je me demande bien ce qu'il aurait répondu le gamin? Il l'aurait très certainement renvoyé sur les roses le devin du jour. A cet âge on ne veut surtout pas ressembler à ses parents et leurs "ridicules" rituels annuels.
Je vais bien sûr évoquer des souvenirs musicaux. L'évolution de la musique indie, des modes, du public, des styles, des courants. Vous comprendrez que ce qui pousse à faire le pèlerinage est principalement la passion. La passion pour la musique mais aussi des choix philosophiques, politiques et un besoin profond de se ressourcer au fil du temps. J' évoquerai aussi des trucs plus personnels. Il fait partie de nos vies, de notre histoire.
Certains se rendent au stade tous les dimanches, d'autres c'est un bon restaurant mensuel ou la séance de ciné hebdomadaire. On se remémore les vacances et on tisse des liens avec l'histoire familiale. "La petite? Elle avait quel âge pour notre visite de Fort Boyard? Tu Te souviens? On l'avait perdue dans la foule. Oui parfaitement, c'était l'année du décès de la tante Simone. On avait du écourter notre séjour".
Parfois, c'est juste une réunion de famille avec l'arrivée de nouvelles têtes et l'irrémédiable départ de certaines. Le temps s'écoule devant toujours les même endroits. Finalement, ils sont les seuls témoins qui peuvent raconter l'histoire dans son intégralité et les pierres du Fort Saint Père en ont des choses à raconter sur mon compte et sur d'autres.
Pour moi c'est à la mi-août que ça se passe. Je vais à La Route du Rock à Saint Malo. J'ai vu évoluer la Route du Rock et la Route du Rock m'a vu grandir, changer, douter, pleurer, tomber amoureux et bien sûr vieillir. Et puis se rendre à un festival de musique c'est toujours mieux que passer tous ses étés dans de moches cités balnéaires du Roussillon. Surtout s'il s'agit DU festival "pas comme les autres".
La première fois :
Il a fallu que mon pote Seb me pousse à y aller. J'étais plutôt tenté par le soleil de la première édition du festival de Benicassim. Mes parents se rendant dans le Roussillon, il m'aurait été facile de prolonger jusqu'à la province de Castellòn. L'affiche espagnole était hallucinante: Jésus & Mary, Ride, The Charlatans, Carter Usm etc... Ne trouvant personne pour m'accompagner en terre espagnole, je décidai d'y aller à ce foutu festival Breton. De toutes façons je ne prenais pas trop de risques, Bernard Lenoir était de la partie. Si Dieu le père s'y rendait alors ses apôtres se devaient de le rejoindre.
Vous êtes-vous déjà rendu compte à quel point certaines habitudes sont vite prises au cours des années? Premières foulées dans le fort et petite inquiétude des limogeauds loin de leurs terres. "Comment fait-on pour se retrouver? Et si on allait là sur la droite, à mi-chemin entre la scène et la régie? Ok !".
Ainsi en 1995 pour la première fois et pas la dernière, je me suis également perdu dans Saint Malo, promené le long de la Chaussée du Sillon en me méfiant des mouettes (l'avenir me donnera raison), j'ai rouspété sur la horde de touristes avec leurs garnements dans Saint-Malo intra-muros, gueulé que les restos étaient trop couteux, pesté contre le lever tardif de mes compagnons, cherché Lenoir, trouvé Soulier, attendu devant chez Sanchez, glacier de son état. Et puis et surtout, mangé, brossé mes dents, acheté des bières, pissé et chié au Cora de Saint Jouan des Guérets.
Bref, avec Seb, Magalie, Angeline, Stéf & le plus grand des "frères pétards", nous découvrions les jalons obligatoires de ce qui allait devenir un pèlerinage pour nous et bien d'autres. Je ne cite pas la séance de toilette collective dans le cimetière de Châteauneuf d'Ille & Vilaine, je n'ai jamais pu trouver par la suite des personnes tentées par l'expérience. Mais je vous la conseille.
Premiers plantages de tentes dans les douves et première anecdote :
- Seb : Je crois que Miossec commence.
- votre serviteur : Non c'est pas lui; écoute bien il s'agit de son CD
- Angeline: Tu as raison ça y ressemble comme deux gouttes d'eau.
-Seb : C'est curieux tout de même ?
-votre serviteur : Fumons ce que l'on a, buvons une bière et je fais le pari que c'est pas Miossec.
- Seb : Ok
Quand on entendit Miossec beugler "Salut" au bout d'une demi-heure et trois binouzes, nous comprîmes que le concert se finissait. C'est le meilleur concert de Miossec que j'aie jamais vu.
Les moments forts de cette première Route du Rock ?
Cette édition 95 a lieu en pleine Britpop et la programmation s'en ressentira. Pour le meilleur et pour le pire. A cette époque le festival sera souvent caricaturé. "Rassemblement de popeux refermés sur eux-mêmes et manquant sérieusement d'ouverture d' esprit" ai-je entendu. Mais aussi pêle-mêle: "élitisme", "intégrisme", "chiantissime", "festival de coincés" etc... L'évolution de la programmation contredira évidemment les ignorants. Mais il est clair que l'année 95 ne sera pas un grand cru artistique.
A quoi peut bien ressembler un individu de très faible corpulence pris de son plein gré dans un pogo pendant Menswear? Très simple. Une boule de flipper.
Grand souvenir de bousculade juvénile pendant leur concert. Et ce type qui ne cessait pas de brailler entre les morceaux: "Miossec au secours!". Il portait un t-shirt des Bérus. C'était le temps de la guéguerre Alternos contre Popeux indies. Le type n'a pas du revenir. Et puis il a perdu la guerre. Artistiquement, ouf ! Politiquement, merde !
Menswear, l'archétype du groupe porté aux nues par la presse britannique. La chute ne sera que plus dure. Et pour moi ce groupe et bien d'autres serviront de vaccin contre toutes formes de hype à l' avenir. Je crains que le destin d'une Lana Del Rey ne soit similaire à celui des Menswear. Etaient-ils bons les Menswear ? Un petit peu et c'est tout. Mais pas exécrables. Les seconds couteaux de la Brit Pop à l' instar de leur aînés de la mi-60's nous pondaient des singles très accrocheurs. Mais sur la longueur d'un album ça ne marchait plus. Et puis des gens comme moi étions à l'époque en pleine schizophrénie. Les vêtements évoquaient le nombrilisme et la nostalgie réac d'Oasis et Blur pour plaire à ces mesdemoiselles, mais seuls le soir dans nos chambres nous nous masturbions sur Aphex Twin, Autechre, Leftfield, Scott Walker avec son "Tilt", Bardo Pond, Goldie et le post-rock.
D' autres souvenirs pêle-mêle ?
La classe avec laquelle Marijne van der Vlugt de Salad sirotait du vin au goulot, ma montée d'hormones devant la chanteuse de Powder, le stage diving hallucinant du batteur de ces derniers pendant Supergrass, l'ennui et la déprime pendant le concert de Gene, la veste en cuir du chanteur de Marion, le saut dans la batterie de la chanteuse de Skunk Anansie qui avait été la révélation du festival. Merde! Pas ça! Moi j'avais préféré Dominique A, Supergrass malgré une petite forme due à leur tournée des festivals, et The Bluetones . J'assume pour ces derniers. Ecoutez leur superbe "Bluetonic" et vous discernerez l'énorme influence des La's et des Stone Roses sur la Brit Pop.
Le festival ne durait que deux jours cette année-là. Les nuits dans les douves écrivaient alors leur légende. Nous avons découvert ces soirs-là toute la folie et l'humour du breton imbibé. Ainsi un petit type que je n'ai jamais revu se chargea de l'animation devant les campeurs réunis autour d'un unique feu de camp. Prenant sa bière pour un micro, je dois avouer qu'il nous fit une bien meilleure prestation que celle donnée par son compatriote de Brest quelques heures plus tôt. Sa copine, un peu fâchée, décida qu'était peut-être venu le moment de planter la tente et lui tendit la perche servant habituellement à soutenir la toile.
"Prends cette perche et aide-moi à monter la tente au lieu de raconter des conneries". Éclat de rire général. Le petit homme la pris au mot et, s'emparant de la perche, s'élança en criant "Bubka me voilà!". Je ne sais pas quelle hauteur atteignit notre athlète d'un soir, mais une chose est sûre, depuis ce formidable saut j'ai compris pourquoi mieux vaut un matelas pour la réception qu'un feu de bois.
Plus tard, nous croisâmes un type de Limoges que nous ne connaissions pas. C'était pas la première fois. Par timidité, nous ne lui avions pas adressé la parole. Ce mec demeura une énigme et une légende pendant des années. Qui pouvait bien être le mystérieux "mec au T-shirt des Boo Radleys" de Limoges que l'on ne croisait que dans les bons concerts? On a mené notre enquête. Fait intervenir les RG, le Mi5, la CIA. Sans résultats.
Fallait nous comprendre. Les mecs qui écoutaient de la musique pas comme les autres n'étaient pas légion sur Limoges. Ni ailleurs non plus. C'était ça aussi l'importance d'aller à la Route Du Rock. Le seul festival qui programmait des trucs que l'on adorait. On y allait confiants. Si nous ne connaissions pas tous les groupes, on ne risquait pas de trop grosses déceptions. C'était un emblème. Un signe de reconnaissance. En 1995, si tu lisais les inrocks, la presse anglo-saxonne, et que Bernard Lenoir était ton sauveur des ondes radios, tu te devais d'en faire partie. De toutes façons nous n'avions pas trop le choix. Fouillez dans les archives et listez la prog des autres festivals en cette année 95. Y avait des pépites mais enfouies dans la vase d'un rock plus mainstream ou caricatural. Le courant indie était très peu représenté. Avec le recul, il est à présent facile de dire que la prog de Saint-Malo suivait ou précédait parfois les évolutions et les changements importants de ces 20 dernières années dans la musique. Elle collait à l'actualité et tenait largement son rôle de défricheuse. A l'époque, on s'en rendait même pas compte. Quoique... Je vous le répète. Se rendre à la Route du Rock ça signifiait quelque chose. Et pas uniquement en rapport direct avec la musique.
16 ans après. Printemps 2011. Concert des Crocodiles à la Fourmi. Il est là! Devant moi! LE type. "T-shirt Boo Radleys RDR 95". Le vrai. En chair et en os. Et en plus il est avec un pote à moi. Je l'agresse direct.
Moi : "Tu serais pas le T-shirt des Boo Radleys à la route du Rock 95 ?
Lui : "Ben ouais".
Les autres : hallucination collective !
Le dimanche fut moins drôle pour moi. Il faisait beau et chaud . Malgré cela j'étais vêtu du pull d'une amie. Le climat de 1995 avait transformé le Fort Saint Père en un vaste désert de poussière. Tu rajoutais la sueur et les jets d'eau pour rafraîchir les troupes, et les t-shirts blancs devenaient marron et immettables sous peine de passer pour Gérard Holtz après le Dakar. Les plus jeunes risquent de ne pas me croire mais c'est vrai. Un t-shirt et un pull léger suffisaient pour nos soirées malouïnes.
N'ayant pas donné signe de vie depuis un bon bout de temps, je me décidai enfin à reprendre contact avec mes procréateurs. La conversation fut glaciale et coupa net l'euphorie que cette première édition avait suscité en moi.
Nous repartîmes de Bretagne et tout au long du trajet la phrase de ma mère me revenait à l' esprit."Ta grand mère ça ne va pas. Il faut que tu reviennes le plus vite possible". La pierre angulaire de mon enfance commençait ce que l'on appelle une lente et douloureuse fin de vie au moment même ou un autre repère apparaissait dans mon existence. Comme une sorte de passation de pouvoir sur ma destinée. J'y repense à chaque fois que je "monte" à la Route du Rock. Première fois et déjà le hasard faisait que ce festival et mon histoire personnelle s'entrelaçaient solidement.
Je revois encore les images du retour, le défilé du paysage et ces deux morceaux en boucle dans le walkman sony offert par la petite dame en noir. Gene s'avéra utile ce jour-là et la suivante piquée chez Lenoir quelques semaines plus tôt annonçait un disque que nous allions tous écouter en boucle par la suite.
j'aime ;)
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