Dancing With The noise nouvelle version. dernièrement:

En passant : Vessel réinvente l' analogique et retrouve l' identité anglaise




































Petit rappel: ici pour Vessel et par là pour le grand label Tri Angle


Sebastian Gainsborough alias Vessel revient enfin après ses excursions en compagnie du prometteur collectif  Bristolien Young Echo (le passionnant "Nexus" de l' an dernier). Accrochez-vous bien bande de branleurs parce que vos vieilles carcasses de petits occidentaux nostalgiques vont être ébranlées une nouvelle fois par le talent de cet artiste d' avant garde. Avec son deuxième album, "Punish, honey", Vessel largue encore plus les amarres et n' appartient plus au commun des mortels. Le petit monde de l' électro s' efface derrière lui  et après bien avoir observer le passé, les yeux rivés sur l' horizon, Vessel met définitivement le cap sur le futur.


Tout d' abord Gainsborough avec cet album nous balance une salvatrice leçon d' histoire de la musique populaire en ces temps dominés par la technologie informatique. Alors que l'on croyait que le numérique était  le meilleur outil pour l'innovation selon le vieil adage, progrès technologique = innovation artistique, le natif de Bristol nous prouve encore une fois qu'il n' est pas nécessaire d' attendre de nouveaux logiciels, des puces encore plus puissantes ou que sais-je encore.  L'innovation peut venir simplement de la façon d' utiliser les outils déjà à disposition,  peu importe leur ancienneté. Et que ces outils soit des instruments répertoriés "classiques" de musique ou toute autres ustensiles  détournés de la vie courante. Pour les neuneux reclus de l'indie rock des 80's & 90's Vessel fait subir à l' électro ce que Sonic Youth et My Bloody Valentine ont asséné au rock en ces temps reculés (25 ans!). Pour les zombies encore plus fossilisés du post-punk ou de l' indus des débuts 80's cette fois-ci on leur rappellera juste le souvenir d' Einstürzen Neubauten et de Coil. Pour les fans de garage rock et bien ...Non !  Rien pour eux si ce n'est qu'ils y reste dans leur putain de garage.
Bye bye les puces et les logiciels, bonjour les casseroles, les plaques de ferraille rouillée et un inconcevable vélo en guise de guitare. Et je ne parle pas des instruments tombés en désuétude depuis longtemps et ressortis du musée par cet aventurier sonore. Adieu le digital rebonjour l' analogique. Gainsborough affirme que son choix d' abandonner les machines et les logiciels lui a apporté une plus grande liberté dans l' expérimentation. C'est bien possible mais il faut bien faire attention à une certaine dérive. Ce qui est valable pour l' anglais sur ce "Punish, honey" ne l' est pas pour tout le monde. Revenir aux façons d' autrefois et claquer la porte aux nez des technologies modernes peut vite s' apparenter à ce trop répertoriés actuellement  acte anti-progressiste et vain par sa quête d' authenticité au travers d'un âge d'or fantasmé. Le dernier Daft Punk ou le garage rock actuel. Vessel parle de liberté d' expérimenter et s'en sort merveilleusement en créant du neuf parce que dans son esprit un retour à l' analogique ne signifie absolument pas à subir les dictâtes du classicisme et du passé. Vessel ne reprend que les ingrédients des anciens, pas les recettes qu'il interprète à sa façon en collant à son époque.


Il est à ce propos saisissant que Vessel ait sorti ce disque organique chez les amoureux du digital et moderniste Tri Angle records( vous savez les vrais héritiers contemporains de Factory Records mais ça je crois que l' avoir dit déjà mille fois vieux con que je suis). Gainsborough n' est pas parti à l' abordage simplement muni de son talent (immense). D' abord "Punish honey" s' appuie beaucoup sur sa culture indus/dark  et expérimental des 80's jusqu'à nos jours mais aussi sur les fondations solides laissées par l' électro-acoustique et la musique concrète. Fondations gage de liberté créatrice totale et déjà influences majeurs chez les copains allemands de Blixa Bargeld (héritage musical national oblige, cf Stockhausen ).

L' autre grand machin à retenir de "Punish, honey" c'est que ce disque reflète bien ce qui est en train de se passer en électro depuis quelques temps. Bon nombre de producteurs ont décidé de revenir à une musique plus physique en délaissant l' exploration psychologique enivrante alors la norme (Jon Hopkins). Vessel est un grand artiste parce qu'il devance ou tout simplement accompagne l' air du temps. Condition qu' un certain  monsieur Richard D James a totalement oublié avec Syro en prouvant que coupé des autres et de l'époque la virtuosité ne suffit pas toujours pour être pertinent à 100%.
 Le maximalism de Rustie, Pete Swanson, Haxan Cloak, Ben Frost, le retour du grime via les Logos et autre Slackk, la techno agressive de Perc, sans parler des deux jeunots géniaux Powell et Container ou d'une façon plus cool en passant par le tribal léché, James Holden et les Demdike Stare. Gainsborough pousse très loin sur l' impact physique. Il dit à ce propos avoir choisi "Punish, honey" ("Douleur, miel") comme titre pas par hasard. Il explique s' être interroger sur l' étrange relation que nous avions avec les musique à fort retentissement physique. Ces musiques provenant d'une maltraitance (celle des instruments et des matériaux, on pense jamais assez à ce que on leur fait subir à ces pauvres malheureux), ces même musiques fruits de tortures qui nous agressent à notre tour ("Punish"), mais qui aussi bizarrement que cela puisse paraître, nous donne du plaisir, "honey". Gainsborough à l' époque de son premier album parlait déjà des effets de la musique en des termes proches du milieu médicale évoquant ou étant synonyme de douleur,  "virus", "maladie". Certains critiques avaient également évoqué le "mal des transport" au sujet de sa techno complètement déstructurée. Pas étonnant donc qu' au détour d'un " Anima" on se retrouve nez à nez avec la musique aliénante et brutale de Suicide et les motifs synthés tout autant perturbant croisés chez Throwbing Gristle. Deux grandes formations spécialiste du sado-masochisme auditif. Beaucoup ont aussi évoqué le "She lost control" de Joy Division au sujet du titre récent "Red Sex", c'est franchement pas faux tellement la rythmique évoque le matraquage mécanique de Stephen Morris.  Mais alors dans ce cas  doit-on  plutot que parler des crispations musculaires dues aux crises épileptiques et aux amphètes gobés par qui vous savez, signaler que "Red Sex" est un "She's lost control" sous mélange de barbiturique et d' alcool.  Bref, un Ian Curtis titubant qui gerbe  plutot que l' image d' épinal maintefois plagiée par l'indie rock, tremblote à la parkinson et mâchoire crispée. Pour en finir sur avec la thématique musique/corps/maladie chez Vessel il est obligatoire de citer le "Bish Bosh" de Scott Walker avec ses bruits organique issu de la maladie et la vieillesse.



Sebastian Gainsborough, toujours très disserte sur son art, invoque à propos de son travail la volonté de trouver un certain âme de la musique anglaise. Ou plus exactement "Qu'est- ce qu' être anglais" signifie dans la musique?" Alors bien sûr faut trouver les racines et rien de mieux que de piocher dans le folklore anglais. Le gars remonte ainsi très loin avec l  apparition d'une vielle ou d'un orgue d' église (vielle qui évoque au corrézien que je suis les attachants Claudie Gurdy tullistes). De même cette façon d'utiliser des objets du quotidien à des fins musicales a été de tout temps et pas seulement en Angleterre une habitude dans les musiques dites folkloriques (éléments de base de l'identité nationale quoi qu'on en pense). L' "anglitude" recherchée passe également chez Vessel par un regard sur toute l' histoire de son pays avec ses faîts sociaux les plus marquants. Les percussions métalliques de "Euoi" évoque la révolution industrielle du 19ème, tout comme le titre "Kin to Koal" (Koal= charbon) qui peut tout aussi bien symboliser à nouveau le 19ème siècle et les débuts de industrialisation forcenée que sa triste fin avec la saloperie Tatchérienne envers les mineurs à la fin 70's. Tiens tiens... Restons sur les 70's, le charbon et ce que ça signifie être anglais en musique selon Vessel parce que la réponse à sa question tient en une pochette d'indie music des 90's. Un vieil amour qui par son titre représente ce qu'à voulu chercher Gainsborough, "England made Me".

Et bien Vessel en cherchant cette "anglitude" s'est lui aussi intéressé au glam rock comme Luke Haines pour la pochette du premier album de ses Black Box Recorder. On est très proche de cette photo évoquant le paradoxe et la complexité anglaise d'une certaine époque. Opposition  des conditions de vie difficiles des mineurs face  aux clinquant des stars glam. Truc encore plus bizarroïde et significative de l' identité anglaise quand on pense au glam rock en lui même. D'un coté les lads de Slade et Gary Glitter qui offrait un un boogie rock avec ses chants pour les pub et les kops des stades tout en s' habillant en tenue ambiguë sexuellement. Bref, des gros beaufs hétéros adorant le kroll . Et de l' autres, les raffinés et érudit Roxy Music et Bowie.  Roxy Music venaient des fameuses écoles d' arts anglaises où ils avaient pris connaissance des conceptes d' arts les plus avant gardistes et les réinjectaient dans la musique populaire. Truc presque exclusivement anglais. A noter également qu'à l'instar des autres stars glam Roxy Music Gainsborough est allé pioché dans l' instrumentation classique en provenance d'un lointain passé (plutot le baroque avec le hautbois). Pour revenir à  "Punish honey", ce disque  a vraiment un petit coté glitter dans la sonorité, ce truc "clinquant" dans certains titres que l'on retrouve pas toujours chez les autres artistes dark ambient. J'en avais déjà parler au sujet du dernier Holden. Le glam rock pouvait certes apparaître comme une sorte de retour au source rock'n'roll par la simplicité et la tribalité des rythmes, un retour aux racines rock teinté du folklore (identité anglaise) mais aussi de modernité via la production (Eno et ses machines sur scène, Tony Visconti). Le rock star posant aux cotés d'un mineur symbole de la working class n' était pas une abérration sociale mais tout simplement le dépositaire des troubadours du Moyen âge, des types s' habillant de couleurs tape à l'oeil pour amuser le bon peuple comme les nobles. Comme Bowie et Marc Bolan en 1971.


Sebastian Gainsborough réussit à atteindre tous ses objectifs avec "Punish, honey". Il nous offre un grand disque à la fois d' avant garde et profondément ancré dans le présent et significatif du monde (de son pays) qui l'a vu naître.  A l' heure ou nos sociétés occidentales sont devenues des prestataires de service en remisant au placard  avec violence plus d'un siècle de culture ouvrière il nous démontre qu'il en reste encore des traces et que cette mutation a un prix que nos sociétés n'ont pas fini de payer. Les traders de la city planqués derrière leurs ordinateurs se voit rappeler par ce disque toute la souffrance provoquée par leur idéologie et le décalage qu'il existe par delà les fenêtres de leur petit bureau et le son des pianotages sur leur clavier. L' humain et la vie ne sont pas dans ces quatre murs. D' autres sons les symbolisant existent ou ont existé. Des sons susceptibles de provoquer sur le corps humains des sensations terrifiantes et jouissantes, des effets de bien être et de mal être. Alors que d' autres artistes nous alertent sur les mensonges du libéralisme économique et du monde virtuel par le détournement des outils numériques (Ferraro, Oneohtrix Point Never et la vaporwave) Vessel  offre une alternative encore plus crue  en utilisant l' analogique et son immense imagination. C'est peut-être bien là toute la fortune  de Vessel et la force de ce disque étonnamment futuriste. Sans passer (ou se reposer) par la technologie moderne il s'est interroger et a fait mouche avec un talent hallucinant.

PS:
Complexité anglaise dans la musique populaire en deux vidéos et une émissions emblématique: Slade et Roxy Music à  Top the Pop. Des gros bourrins ancêtres d' Oasis fringué en fille face à des "intellos/arty" fringué de la même manière draguant avec succès les même gonzesses.



Et puis tant que j' y suis comment ne pas mettre ce putain de grand morceau visionnaire des Roxy, ce truc vieux de 42 ans qui va foutre à terre tous  les fans de Zombie Zombie ou de James Holden. Ce machin immense qui commence comme une BO de science fiction, surprend par son phrasé évoquant de vieux chants gallois, vire bluesy et espagnolade (castagnette). Cette machine à remonter le temps et à explorer le futur, passant des rites  du baroque XVI ème aux raves 90's en à peine 6 minutes,  LADYTRON !!! 



L' identité anglaise dans les 90's version Luke Haines


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