Dancing With The noise nouvelle version. dernièrement:

En passant : Grouper, la beauté des ruines.



Il est tellement question de Liz Harris (Grouper) dans DWTN  depuis les débuts du blog au point que je vous déconseille fortement de taper son nom dans le moteur de recherche du blog, gros risque de bug interminable.

Imaginez que par une sombre journée de novembre vous décidez de prendre un bain en écoutant un de ces merveilleux disques étiquetés comme tristes mais qui ont la qualité contradictoire essentielle au final de vous apporter un parfait bien être. Ces  musiques mélancoliques qui rendent heureux à l'image de la musique de Nick Drake, "La" pierres angulaire du genre.  Imaginez qu' en plus vous venez d'installer dans votre baignoire un système sonore permettant l' écoute du dit disque au fond de l' eau. Comme une sorte  de bain de jouvence dans le liquide amniotique de votre mère après les moult blessures que la vie cette salope vous a offert depuis votre naissance.
Alors peut-être, peut- être vous aurez alors toutes les clés pour entrer dans la musique de Liz Harris (Grouper). Et vous aussi vous vous sentirez paradoxalement et merveilleusement bien lové dans le spleen .

 


Depuis ma découverte de Liz Harris avec "Way they crept" en 2005, disque incomplet mais troublant, album  surtout  grand annonciateur des beautés qui allaient suivre, l'immense "Dragging a dead up a hill" en 2008 et la magistrale paire "AIA" ("Alien observer" et "Dream Loss") de 2011 j' attendaiss sans cesse de ses nouvelles en craignant que la grâce qu'elle nous offre s' effondre sous le poids de l' accoutumance. Il s' est passé un peu de cela l' an dernier quand elle décida de nous refiler certains titres laissés de coté au cours de sa passionnante carrière avec "The man who died in his boat". Mais après un temps de déception et le sentiment de déjà vu cet album s'est mis à briller  de mille feux  face à la concurrence de 2013.
La vieille copine du fêlé bruitiste Pete Swanson revient et va encore marquer au plus profond nos âmes et l' actualité musicale. Et ce, après ses prodigieuses escapades avec l' autre  amateur de boucan et d' hypnose Jefre Cantu-Ledesma  (Raum) , sans oublier non plus parmi ses nombreux projets l' ambient-pop de Mirrorring en compagnie de Tyni Vipers.  Ce "Ruins" est le grand disque de replie tant espéré en 2014 face à la profusion et le battage sonore offert par notre monde. Une oeuvre qui permet un retrait salvateur sans tomber dans le renfermement définitif. Le genre de disque qu'il vous faut pour affronter l' extérieur avec assurance. Une pause sous forme de promenade contemplative. Une flânerie dans  nos souvenirs qui permet de se sentir mieux.
Le titre résume tout Liz Harris depuis ses débuts. Elle nous propose encore de visiter les ruines de nos sentiments à travers celles de sa musique ambient. "Ruins" enfonce le clou en accentuant l' aspect désertique. L' amoncellement d' immeubles détruits et abandonnés introduit par les nombreuse nappes sonores citadines  d' autrefois ont fait place à celles du petit village portugais qu'elle visitait au cours de l' enregistrement en 2011 de ce disque dans le sud du pays. Fini donc les drones shoegaze. C'est presque uniquement un piano droit solitaire qui prend le relais pour accompagner son chant de sirène.  J' ai bien dit "presque" parce que Liz Harris a retenu la grande leçon du révolutionnaire  4' de John Cage. Écouter toujours ce qui a autour. La musique est partout pour qui veut bien se donner la peine d' accepter ce fait. Alors les bruits de fonds ont une place essentielle dans son dernier disque. Qu'il soient symbole de la nature et de ses promenades dans la campagne lusitanaise comme du peu de modernité que recelait sa bâtisse, un micro onde. L' écho du piano droit et ces bruits remplacent donc  les réverbération des guitares, géniale trouvaille. Le souffle de silence omniprésent renforce l' éternité porté par son  enregistrement lo-fi.
Liz Harris se penche sur le passé. C'est certes de la nostalgie (trop présente de nos jours)  mais une nostalgie qui ne réécrit pas le passé. Qui ne veut pas le faire revivre coûte que coûte. Ses chansons nous disent simplement ceci, "ça s'est fait et c' est comme ça, nous n'y pouvons plus rien".  Observons nos souvenirs mais laissons les  où ils sont. Comme à chaque disque elle ensoleille notre spleen  en verbalisant et en mettant en musique nos regrets.
Pour cela Harris fait appel à sa culture minimaliste, Arvo Part et comme le piano est son actuel instrument de prédilection certaines choses vous évoqueront Satie, grand amateur du sentiment de nostalgie. Le rachitisme de l' enveloppe donne encore plus de sens à ses paroles enfin plus compréhensibles. En ouverture de l' album et le titre qui le conclue Liz Harris se permet des instrumentaux qui lorgne bien plus sur l' ambient et le drone que sur les  chansons classiques d'inspiration folk qu'il encadre (mais si ces dernières peuvent aussi être étiquetées du même terme). Comme si "Ruins" était bel et bien un énième à-coté dans la carrière de l' américaine qui compte tellement de collaborations mais cette fois-ci  un à-coté en solo.
Peut-être que ce disque représente une parenthèse dans son oeuvre mais une chose est sûr,Grouper vient de franchir un autre palier et d' entrer définitivement dans le club très sélect de ces fameux "disques tristes  qui  rendent heureux", entre les Nick Drake et le premier This Mortal Coil .


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