Dancing With The noise nouvelle version. dernièrement:

En passant : Arca fait chier les réacs ou, la technologie au secours de la complexité humaine.

 Alors que je peinais à me motiver pour écrire cette chronique sur le premier album officiel d' Arca, le vénézuélien Alejandro Ghersi dans le civil, une vieille connaissance de ce blog s'est chargé de me mettre en colère au sujet de ce "Xen". Ma paresse ne venait pas du fait que ce disque était une déception, loin de là, mais parce que j'estimais avoir tout dit sur le bonhomme au sujet de son essentiel mixtape &&&&& (cf ici). De plus le vénézuélien bénéficiait depuis quelques semaines d'une plus grande notoriété pour ses collaborations passées avec Kanye West ou avec la très cotée FK Twigs, Kelela, Mickky Blanco et senfin pour es travaux future, Bjork. Et puis ce satané Britt Brown (co-patron de Not Not Fun, rappel ici) a mis les pieds dans le plat. Mais d' abord, le "crime" que Brown reproche à Arca.



Alors qu'une certaine indie music nous gave avec des polémiques plus ou moins sans intérêts ou même absurde, l' électronique amène quant à elle aussi son lot de controverses mais au moins ces dernières reposent sur des questionnements autrement plus intéressants. Plus essentiels que celles présentant  un Ariel Pink soit disant misogyne pour la naïve Grimes et depuis caricaturé en Dieudonné de l'humour indie par bon nombre, ou encore on peut citer la guéguerre War On Drugs vs Mark Kozelec.
Cette vieille fripouille de Britt Brown, donc patron d'un des étendards de l' hypnagogic-pop (Not Not Fun), s'est fendu d'une putain de chronique de "Xen" dans Wire Magazine qui est en train de le faire passer tout simplement pour le Erik Zemmour du genre. Si d' abord cette chronique m'a mis hors de moi elle a au moins eut le mérite de remettre sur la table bon nombres de thématiques omniprésentes dans ce blog. Le passéisme et la nostalgie en musique, le débat entre vieille et récentes technologies via  la quête d' authenticité, l' hypnagogic pop est-elle synonyme de progression ou de régression artistique et cerise sur le gâteau, internet c'est caca ou pas caca et les jeunes, ce sont tous des consdébiles?
 Si on suit la logique de Brown je suis obligé de vous annoncer que l'on ne peut pas écouter à la fois Rustie, Arca ou Jam City d' une part, et Maria Minerva, John Maus ou Ariel Pink de l' autre. Soit on est analogique soit digital.  En bref, Dancing With The Noise est dans une merde pas possible et je vais devoir faire un choix. Je déteste ces types qui veulent vous faire prendre des décisions stupides en montant les gens les uns contre les autres. Ces types pour qui le monde est soit blanc, soit noir. Brown nous explique qu'Arca en solo ne vaut pas un pêt de mouche tant qu'il n'est pas accompagné d' artiste pop et de leur talent en songwritting. Que ce type qui avait sorti les disques des bruitistes Yellow Swans (Pete Swanson), ne veut en fait qu'une musique ayant pour but de faire danser ou passer à la radio via le format pop me laisse carrément pantois. Bref ce con en 1975 vous aurait annoncé que les disques ambient de Brian Eno ne servent à rien puisqu'ils ne rentre pas dans ces deux catégories. Je sais, c'est grossier de ma part mais c'est bel et bien ce recèle la chronique du gars au sujet de "Xen". Et ses autres arguments on les a déjà croisé par le passé.
Pour Brown la musique d' Arca est "vide de sens", Alejandro Ghersi ne serait qu'un geek trop amoureux de ses machines, un simple démonstrateur des nouvelles technologies chez Darty , un artiste raté passant du coq à l' âne en zappant et au final, un artiste incapable d' aller au bout de ses idées à l'image de sa génération soûlée d' informations via les possibilités du vilain net. Pauvre vieux con que ce Brown. De toute façon le bonhomme ne laissera pas une grande trace dans l' histoire de l'hypnagogic pop si ce n'est le fait d' avoir croisé sa compagne la vénérable Amanda Brown pour créer Not Not Fun et LA Vampire. Le génie c'est elle et les artistes du label. Le vieux balbutiant ses certitudes dans son fauteille devant Jean Pierre Pernod, c'est lui!
Oui le disque d' Arca passe du coq à l' âne stylistiquement au point de perturber les vieux cons préférant les cloisonnements. Mais franchement ce zapping ne perd pas l' auditeur et laisse même   entrevoir une certaine homogénéité . Le disque prend en compte notre époque avec son réservoir haut débit d' informations riches et variées sans le rejeter en s'enfermant dans un passé obsolète et dangereux. Les dysfonctionnements digitaux du  Glitch, les fantômes des caractéristiques  de la pop et du hip hop sont invités. A noter que le hip hop se voit un peu moins présent qu'il ne l'était sur les premiers ep (la série Skretch) et sur la fantastique mixtape &&&&&. Si l' agressivité  UK Bass futuriste d' Objekt et de Logos sont toujours d' actualité, le vénézuéliens vit dorénavant à Londres,  Arca nous offre cette fois-ci une palette d' émotions humaines bien plus variées. Le début du disque très lent se veut même carrément éthéré.Du digital éthérée, il avait pas pensé à ça pépé Brown  trop obnubilé qu'il est par ses synthés analogique, ses guitares  vintage et ses  bandes de VHS détériorées. Et le déchirant piano trafiqué par un logiciel de "Held Apart",vous ne trouvez pas monsieur Brown qu'il est autant émouvant que celui du dernier Grouper. "Xen" n'est pas qu'une démonstration des opportunités des nouveaux logiciels, c'est aussi une oeuvre fruit d'une psychanalyse personnel. Ghersi explique que le dénommé "Xen" n'est juste que son alter égo féminin. Réflexion et interrogation sur la sexualité. Moins violent que &&&&& ce disque est réellement émouvant, intriguant, parfois angoissant ou apaisé et hyper sensuel. Il nous offre une vision captivante de notre monde sous une forme bien plus complexe que celle provenant de caricature et des a prioris dans lesquels certains veulent nous enfermer. Les contraires se confrontent, se regardent en chien de faïence pour ensuite s'unirent et se mélanger.


Arca franchit une marche supplémentaire en domestiquant la technologie et en offrant ainsi des émotions et leurs diversités inédites peut être parce c' était impossible à formuler avec les vieilles technologie tel que l'analogique. Arca est moins fermé d' esprit que son détracteur, ce n'est pas non plus un type rejetant le passé à tout prix. Il récupère ce bon vieux violon pour le faire muter et nous perturber à jamais avec l' hitchcokien et lourd de sens "Family Violence". Arca parle des tensions humaines, les contradictions entre nos envies et ce que l'on veut paraître, ce que l'on dit et ce que l'on fait. Thématique présente aussi chez Oneohtrix Point Never,Tim Hecker et Holly Herndon avec lesquels Arca ne partage pas seulement certains traits communs sonores et dans la construction des titres.
Finissons avec la polémique lancé par la chronique de Brown chez Wire Magazine en se demandant à ce propos  quelle mouche  a piqué la rédaction de ce grand mensuel musical. Eux qui avait si vaillamment défendu le digital avec les oeuvres révolutionnaire et profondément technologique du Ferraro de "Far side Vitual", le "Glass Words" de Rustie ou  le "R plus seven" d' Oneohtrix Point Never.
Et c'est peut -être ça le dernier point intéressant dans l'incompréhension entre Brown et l' oeuvre d' Arca.  Il a toujours existé une sorte de non dit  ou tout du moins, un certain mal entendu entre certains tenanciers et fans de l'hypnagogic-pop. Pour les uns, c' était une interrogation sur le passé et le présent de la pop pour pouvoir enfin tourner une page. Le futur dans le viseur. La fameuse "question"  d' Ariel Pink dont je vous avais déjà parlé. Pour lui l' expérimentation musicale était une question à laquelle il fallait répondre. Pink avait choisi de se pencher sur les transformations que nos mémoires font subir à nos souvenirs pop et sur l' état de santé de cette dernière. En utilisant le détournement, l' expérimentation sonore via la production lo-fi et son amour de la musique pré-digital(60's,70's,80's) il avait lancé l'hypnagogic pop. Pour d' autres, Brown et Ducktails par exemple, l' hypnagogic-pop n'était tout au juste qu'un vague dénis du future à venir et de leur présent, un acte plus nostalgique qu' analytique. La scission s' est réellement opérée au moment de l' apparition de la vaporwave qui délaissait  l'analogique pour le digital. Ferraro et Lopatin ont continué leur questionnement sur le passé mais aussi sur le présent et le futur proche. Ariel Pink se contentant de faire du Ariel Pink      (privilège des génies que de se contenter de perfectionner leur invention) , Brown et quelques autres par peur et entêtement n'ont pas voulu prendre ce virage et les voilà à présent du coté dans le même panier que les revivalistes simple copieur sans vision à long terme et  avec qui  l'hypnagogic pop voulait en finir.

Arca n' a que 24 ans mais pourtant on peut déjà dire qu'il y aura un avant et un après Arca comme ce fut le cas avec Ariel Pink dans les 00's. "Xen" est un stimulateur d' inspiration pour l' auditeur comme pour les musiciens. Il vous attrape à la gueule et ne vous lâche plus si vous acceptez d'entrer dans cet enclos du futur. Il va vous traîner dans les explorations et les improvisations parmi les plus courageuses que l'on ait vu depuis longtemps. Avec lui la culture dancefloor, l' expérimentation et la pop recouchent ensembles pour nous offrir des lendemains si ce n'est heureux, au moins lucides et combatifs.


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