Dancing With The noise nouvelle version. dernièrement:

En passant : Pete Swanson live, une certaine idée de l' apocalypse. Et aussi la dictature de l'image sur la musique avec Loop/Main et le festival Unsound


Décembre approche à grand pas et quand il va falloir préparer les classements de fin d' année DWTN va avoir un sacré cas de conscience. Ou plutot une interrogation déjà apparue cet été  à la sorti de l' hallucinante mixtape d' Arca (ici). Dois-je inclure dans le top album les mixtape et les live. Le questionnement concernant les mixtape flottait depuis pas mal d' année déjà mais depuis deux jours j' envisage sérieusement de classer cette année un live.

Pete Swanson est encore une fois la cause de mon émois. Le site Boiler Room vient de rendre disponible le set  qu'il avait donné le 5 juillet dernier à New York. Un live d' à peine une demie-heure mais suffisamment puissant pour tout dévaster sur son passage et vous amener à vous retrouver dans la même situation que Swanson sur la photo ci-dessus.
Quand j' ai découvert ces "courtes" 30 minutes 12 cycloniques je n'ai pas pu m' empêcher de mettre en relation cette grosse claque musicale avec l' interview de l'important et tout simplement l' héroïque  Robert Hampson dans le NoiseMagazine de cet été.
Je vous conseille vivement de vous jeter sur cette entrevue tellement le parcours de l' anglais est fascinant, instructif et exemplaire. En bref si il a commencé par un rock indie fortement noisy  et précurseur du shoegaze ( les géniaux Loop) il s'est apperçu que justement le rock s' avérait bien trop liberticide pour ses désirs de  création . Du coup Hampton s'en est allé vers l' électronique et les musiques dites plus "savantes" et expérimentales avec Main. Trajectoire que bon nombre de fans et de groupes devraient suivre (même 20 ans après !) pour le renouvellement de la cause indie.
Dans l' article Hampson aborde plein de sujets en rapport avec la prestation de Swanson ,  son incompréhension sur le retard pris par la sonorisation des concerts (simple son en façade) face aux technologies actuelles (comparé aux système de sonorisation des cinémas par exemple) , sa réflexion sur ce que recherche le public rock avec sa focalisation sur un type avec sa guitare sur scène et  sur ces habitudes que ce public devrait apprendre à oublier. Il nous parle aussi du pouvoir de l'image (on y revient plus tard concernant ce même pouvoir, le désir d' archiver et de diffuser provenant des nouveaux outils technologiques).
Hampson rajoute qu' à son avis les set de drone et de noise devraient être très court. Le set de Swanson ne dure donc que 30 minutes. Juste ce qu'il faut pour pénétrer l' univers de Swanson sans qu'il y est overdose de bruit.


 Si j' envisage à classer ce live (téléchargeable) c'est que Swanson délivre une musique quasiment inédite. Certains "tics" du bonhomme sont bien sûr présents et par exemple on pense beaucoup à son grand "Live Ends at 30". C' est aussi parce que je considère, et ceci est en rapport avec les propos d' Hampson, qu'il s' agit là de l'une des plus belles porte d' accès pour le public rock ou autre à la furieuse musique expérimentale du bonhomme. Ce boucan ,ne tenant absolument pas d' une fumisterie ou ne demandant pas non plus de prédispositions psychique jugée anormales par le commun des mortels,  peut être apprécié comme un bon concert de feu Sonic Youth ou comme ceux de My Bloody Valentine. L' énergie dont fait preuve Swanson est exactement la même que celle recherchée par les "rockeurs".
Musicalement c' est du Swanson tout craché, la confrontation réussie du Noise/Drone avec les rythme des dancefloors. J' ai maintes fois abordé le sujet et je ne vais pas trop y revenir mais sachez que ce live est encore une fois une réussite comme tout ce que fait son auteur .
Non seulement Swanson nous démontre une nouvelle fois tout son talent et sa maîtrise mais l' intérêt de cette session de Boiler Room nous permet d' aborder un autre sujet plus général en lien avec la musique de 2013. Un sujet très discuté ces jours-ci, abordé également par Robert Hampson dans son interview pour Noise Mag et mis sur le devant de la scène par une décision prise par un festival de musique.

Hampson nous parlait donc cet été du pouvoir de l' image et le fait qu'elle avait bien souvent pris le pas sur le son. L' image est résolument partout à l' heure d' internet et la "consommation" de la musique ( au détriment de cette dernière)passe de plus en plus par son biais. Nous découvrons bien souvent des morceaux ou des artistes via la vidéo. Pas un scoop depuis les 80's (MTV) mais cette façon de faire s' est considérablement augmenté avec internet (youtube) . D 'autres nouvelles pratiques se sont mises en place . En surfant sur le net ou en se rendant à des concerts on constate un très fort désir d' archiver. On télécharge jusqu'à en gaver nos disques durs, et surtout les téléphones portables sont devenus les incontournables des concerts.
Certains groupes se sont offusqués de cette pratique en expliquant qu'il était à leurs yeux préférable de vivre l'instant présent (une prestation live en communauté), en ne se concentrant que sur la musique et ce qu'il se passait plutot que se laisser parasiter par des motivations comme le besoin de dire "que j'y étais" ou de garder à tout prix un souvenirs à des fins purement personnelle ou collectives(les effroyables vidéos pourris polluant Youtube). Par exemple Dominique A, Savages, Thurston Moore et beaucoup d' autres. Curieusement d' autres artistes adoptent une attitude inverse face aux portables. Après quelques réticences tenant plus de la défense de leurs intèrets et des droits d' auteur face aux piratage ils ont décidé de l' accepter, et même plus, d 'en jouer et de l' exploiter dans leur scénographie. Et très bizarrement( ironie de ma part) , ces artistes sont souvent des artistes dits ..."Mainstream".


Le mp3 de la prestation de Swanson est accompagné d'une vidéo, techniquement plutot correcte. Et c 'est en visionnant cette dernière que l'on s' aperçoit d'une évidence trop souvent oubliée, l'image est une menteuse et déforme. Elle perturbe notre relation à la musique. L'image ne pourra jamais rendre les sensations aussi fortes que si on avait assisté au concert et leurs diffusions ne relèvent pas franchement d'un intérêt fort. J' ai téléchargé le fichier mp3 et je l'ai écouté tout de suite. Ce fut une claque.
Plus tard j' ai visionné la vidéo et je me suis emmerdé. En constatant la différence entre les deux façons d' appréhender le set et les effets ressentis je me suis dis que j' avais bien de la chance de n'avoir pas commencé par youtube.
Robert Hampson :"Contentez-vous d' écouter et faites abstraction de tout le reste".
 Ma concentration avec la version youtube n' était plus entièrement sur la musique et le spectacle d'un Swanson ,impressionnant tout de même, mais sur l' envirronement. Il  jouait au milieu de hipster ne sachant pas trop pour certains cacher leur ennuie ou leur incompréhension devant ce set  avait quelque chose de triste. D'autres savent qu'ils sont filmés et essaient en vain de faire bonne figure, de se montrer, de nous dire "putain c'est génial ici et le concert est trop coooool". Efforts vains parce qu'ils sont tellement concentrés sur leur "représentativité sociale" que du coup il apparaît évident qu'ils ne sont pas rentré dans l'univers Swanson. Leurs postures sonnent fausses. Et tout ça réuni  peut être pris au mieux pour un spectacle comique, au pire pour une mascarade. Sauf Swanson qui se fout de ce qui l'entoure puisqu'il est dans son monde. Mais la grande perdante dans tout ça, c'est la musique.  On se rappellera également de la fameuse compilation des moments pathétique et très drôle de Boiler Room avec mention spéciale pour Tom Yorke (à voir absolument ici).

Cette représentativité sociale due à la présence de l' image(la caméra ou le téléphone) et faussant l' instant présent on la retrouve aussi dans les grands festivals d' été via les grands écrans de chaque coté des scènes. Cet été à la Route du rock  la réalisation était l' oeuvre d'un type un brin obsédé sexuel. Le type ne cessait de nous balancer des plans de jeunes filles en fleur assistant aux concerts. Il y avait parfois dans ces images  quelque chose de fort, de puissant, de vrai! Rien à voir avec le culte de la célébrité ou la manipulation de la caméra. Un truc que l'on peut voir que dans les archives des festivals 60's (Monterey, Woodstock ou Wight). En ces temps là les caméras étaient certes déjà présentes mais le public faisait preuve d' une certaine innocence à leurs contacts. C'est tout juste si il se rendait compte ou pressentait de leurs présence. A Saint Malo parfois l' attitude des spectatrices faisait vraie. Pas travaillée. C' était un vrai bonheur de voir ces être humains captés uniquement par la musique et la prestation scénique. Et puis le moment terrible arrivait. Un regard sur le grand écran ,d' elles ou de leurs proches, et la magie disparaissait. Certaines exprimaient la gène d' être montré au public dans un instant émotionnel fort et à présent perdu quand d' autres surjouaient et devenaient pathétiques. La communion (mélange d' intime et de collectif) entre ce public et les artistes via la musique avait cessé et nous étions dans le divertissement commun et le spectaculaire bas de gamme. Juste parce que la concentration nécessitée par un concert était parasitée voir impossible.

Vous préférez  que les festivals ressemble à quoi?
La photo ci dessous ou cette archive d' Otis Reding à Monterey où une certaine innocence d'un autre âge?



On en revient toujours aux même questions. La musique, les concerts ou mix, sont-ils devenu de banales produit de consommation interchangeable comme les couches culottes ou le PQ?
Les organisateurs d'un festival vont tenter de répondre à cette question et faire prendre conscience de tout celà. Leur démarche est franchement bienvenue et est tout sauf un gadget pour faire le buzz. Il y a du fond derrière tout cela comme le montre le fort et magnifique texte (ici) sur leur site. Le beau Unsound festival de Kracovie. Le thème de l' édition 2013 est le Parasitage.
Chaque année les organisateurs définissent un "concept de base" à partir duquel ils vont construire leur programmation. En gros le texte dit ceci:

" En 2013, le thème de Unsound concerne les interférences.Qu' il s'agit de la physique du son, y compris la superposition d'ondes sonores variées et de rythmes, de la distorsion,  les fréquences audios, la perturbation sonore, et l'acte d'obstruction ou d'entraver. Plus que jamais, ces éléments sont utilisés dans un large éventail de la musique contemporaine, de la scène noise en développement à la musique de club en constante évolution ".
Bon déjà, arrivé ici,  je reconnais que l' on a perdu les trois quart des festivaliers français, juste une question de manque d' éducation du public par les organisateurs dans leur ensemble et la presse musicales. Les plus fautifs ne sont pas les festivaliers justement qu'il faudrait cesser de prendre pour de simple vache à lait juste bonnes à écouter des musiques "faciles".
La suite est encore plus intéressante et en rapport avec notre sujet du jour.
"En outre, le thème sera exploré pour sa signification sociale et culturelle en s'interrogeant sur la signification du terme «underground» dans le monde en réseau d'aujourd'hui, fortement  marchandisé et piloté par les données ."
Et ça continue et là ça devient beau à en pleurer tellement c' est juste et c'est que l'on a envie d' entendre plus souvent par chez nous  en France.

"Le thème des Interférences va placer le festival Unsound de cette année, à la frontière entre le divertissement amorphe et l' expérience stimulante, souvent en jouant contre la consommation facile de la musique et en demandant un engagement du publics.Vous ne trouverez pas d'énormes têtes d'affiche. Il ne sera pas retransmis via l'Internet par liens vidéos faciles .Mais pendant une semaine le festival va créer une zone autonome temporaire unique pour le public et les artistes que vous sentirez comme nulle part ailleurs."

Et c'est dans ce but qu' Unsound fait beaucoup parler de lui ces jours-ci. Le festival a tout simplement décidé de refuser les accréditations pour les photographes et les cameramans et invite cordialement le public  à résister collectivement contre  la tentation d' utiliser son portable de la même manière. Belle idée expliquée par ces mots :"Notre objectif est d'encourager notre public à se concentrer sur d'être dans l'instant, et pas détourner les autres de ce moment-là», explique le directeur artistique d' Unsound Mat Schulz.
«Nous voulons remettre en question la tendance automatique à placer des photos et des vidéos de concerts en ligne, que ce soit sur les réseaux sociaux, les sites de musique ou des plateformes de streaming vidéo, de mettre un peu petit grain de sable dans le bombardement constant des images, principal outil actuel de communication. L'interdiction ne sera pas contrôlée par des gardes de sécurité, cela va être une action de la communauté - si vous voyez quelqu'un à côté de vous filmer,  demander lui poliment de cesser ".

 Il est à noter que les plus importants médias musicaux mondiaux (presse écrite et sites) en ont parlé mais que cette information a  été très peu relayée en France. Si pas du tout. Allez savoir pourquoi.
Et si on s'attarde sur la superbe programmation 2013 (du 13 au 20 octobre) alors les fidèles de DWTN vont reconnaitre pas mal des noms et ceci n' est certainement pas le fruit d'un heureux hazard.2013: Rhys Chatham avec Charlemagne Palestine! Laurel Halo!!! Dean Blunt!Demdike Stare! Andy Stott!Forest Swords! James Ferraro!!! Jenny Hval! Julianna Barwick!!!Myckki Blanco! Pete Swanson!!! RP Boo!!!Stellar Om Source!!! et bien sûr Pete Swanson!!!!! Des artistes eux aussi rarement relayés  en France et du coup très très râres .



Pour en terminer avec l' épineux sujet lancé par Unsound  concernant la dictature de l'image et son parasitage de la musique et des concerts  je vous propose de découvrir cette vidéo posté sur youtube. Et là on se rend bien compte que l'on arrive à un no mansland de la réflexion et  à la quintessence de la marchandisation et du consumérisme dans la culture populaire. Et pour être plus direct, la quintessence de la connerie humaine tout simplement.
Un mec (ou une fille?) a filmé le beau Nick Cave pendant la RDR 2013. Enfin pas vraiment le Nick Cave qui était sur scène à 40 mètres de lui. Non. Il a filmé ...le Nick Cave du grand écran! Simple et belle envie  de partage? Peut-être, mais sujet à questionnement malgré tout.




J' allais publier cet article quand un ami facebookien publia une annonce de concert qui m' interpella puisqu' encore une fois Robert Hampson était à convoquer. Ce coup-ci c'était au sujet du mode de diffusion du son dans les salles de concerts. Hampson pestait du fait que malgré les progrès technologiques et leurs  côuts financiers plus abordables, les système multi-canaux font toujours aussi peur et sont sous-utilisés dans les salles de concerts. La sonorisation en façade restant la norme avec ce qui va avec, le folklore rock'n'roll , formidable machine à héroïser n'importe quoi.
Un comble pour Hampson et pour certains quand on pense aux systèmes de sonorisation des home-cinémas, des salles de ciné et même, des automobiles récentes.
Le post de mon ami était une annonce pour un appel à participation via le site KissKissBankBank pour un projet de concert qui a le grand mérite d' apporter une petite réponse à Hampson.Allez y faire un petit tour c'est passonnant.
http://www.kisskissbankbank.com/wilfried-matrice-dispositif-live-immersif
PS:
Loop et Main c' est ça:
et ça



Commentaires

  1. Ouah, terrible article à l'analyse pertinente ouvrant un vaste champs de questionnement. Un papier qui n'a pas à rougir de la presse spécialisée. Là, on décolle du "simple" blog tel que le mien.
    Ce live de Swanson est pas mal. Sa durée relativement courte permet d'éviter la saturation inhérente à ce genre de musique Noise/Drone Electro/Abstract.

    Je trouve également très intéressante la partie de ton article sur notre relation à la musique : images à tout prix, téléchargement jusqu'à l'excès... Innocence, vivre pleinement l'instant présent sont des qualités qui se perdent. Quand tu parles de portables dans les concerts, je l'ai constaté cet été au concert à l'Amphithéâtre de Vienne pour Neil Young.
    Je n'ai pas lu l'article de Noise Mag sur Robert Hampson mais ces réflexions ont l'air très pertinentes. Et je suis un grand fan de Loop (qui parait-il va se reformer).

    J'ai lu l'article de KissKissBankBank sur Wilfried* : Son installation sonore scénique "Matrice" va être une sacrée expérience !!!

    A +

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  2. Merci beaucoup pour tes compliments et aussi pour tes commentaires toujours très pertinents.

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