Dancing With The noise nouvelle version. dernièrement:

En passant: Savages, ce que c'est qu' un grand groupe. Tout simplement.




Voici ce que j' écrivais sur Savages  pour décrire la claque qu' avait été leur concert à La Route du Rock 2012 et pour les défendre face aux accusations de revivalisme et de copiage des groupes post-punk du début 80's:
" Les doutes ont été vite dissipés. Jenny Beth est l' antithèse de ceux que j' ai étripé précédemment. Il fallait voir ce putain de regard pour comprendre que tous les Alt J et Breton de la terre ne sont que du vide. Oui, elle ressemble à la fille cachée de Siouxie et Ian Curtis avec sa coupe de cheveux et sa gestuelle. Oui, sa musique ressemble fortement à tout ce que j' adore, Pop Group, Swell Maps, Raincoats, The Slits. Oui c' est du revivalisme.  Mais un putain de revivalisme bien dans notre époque. Le post-punk joué et vécu comme ça  aura toujours sa place dans toutes les époques de l' histoire".


Quelques jours plus tard je cherchais dans ma bibliothèque une phrase qui ne me revenait que par bribes  et qui avaient la faculté de bien expliquer pourquoi on pouvait à la fois écouter Savages et leur post-punk ressurgi des tréfonds de l' histoire sans pour autant sombrer dans une nostalgie et la simple redite version light trop de mise actuellement. Des mots qui prouvaient que DWTN en défendant Savages n' était pas en contradiction avec son approche progressiste de la musique et sa préférence pour la nouveauté à tout prix, soit l'intrusion dans notre quotidien des sons du futur plutot que du passé.
"L' excitation du futur n' a rien à voir avec le frisson éprouvé au contact d' un véritable original (...)cette sensation est électrisante mais impersonnelle". Et l' auteur avançait des noms comme Dizzie Rascal, Morrissey et Bjork pour décrire la catégorie des "originaux". Je me permettrai de citer le footwork, la dark-ambient de (Vatican Shadow ,DEmdike Stare, Haxan Cloak) l' hypnagogic-pop ou encore des gens comme Laurel Halo, Pete Swanson ou Holly Herndon pour illustrer "l' excitation du future"

Savages sortira son premier album le 7 Mai, "Silence yourself". Ce disque confirme tout ce que j' avais écrits en Aout dernier. Et même plus...
Savages appartient donc bien aux originaux comme l' un de leur ancêtre de l' âge post-punk, Nick Cave. Curieusement je n' avais pas pensé en 2012 au Birthday Party de ce dernier dans la trop longue liste d' influences qui nous venait en tête à la découverte des Savages. Mais l' australien est omniprésent sur ce disque et heureusement pas du tout au travers d'un songwriting teinté de référence religieuse ou de poésie champêtre comme les médiocres copieurs nous l' aurait fait. Savages s'en inspire mais pour nous parler de leurs vies , des vies du début 21ème siècle dans les grandes villes. Une vie où l'espoir en l' avenir n'a plus vraiment sa place. Les Savages le savent bien et ne cherchent pas via une musique du passé à nous cacher la triste vérité en surfant sur la nostalgie.  Des vies de gamines de moins de trente ans aux affinités  féministes qui se prennent dans la gueule chaque jour  une société marchandes où le culte du corps parfait sert d' argument de vente social. Jenny Beth et ses copines s'en tapent et l' affirme haut et fort :"J'aime les vergetures sur les cuisses / J'aime les rides autour de vos yeux". D' autres thématique plus ou moins en lien avec le féminisme sont abordés comme l' explique le petit texte de la pochette de cet immense "Silence Yourself". "le masochisme, la crainte urbain, le matérialisme, la possessivité, et l'expérience d'être une femme". Certains remis ainsi au goût du jour font subir  une véritable cure de jouvence à un indie-rock un peu trop bégayant et nombriliste de nos jours. Savages raconte si bien  nos vies et le quotidien qu' ainsi apparaissent en plein jours toute l' étrangeté et la stupidité dont ils font preuve.


Une autre chose différencie ce disque d'une bonne partie de la production actuelle et le rend à mes yeux encore plus important. Ce disque est bien sûr une oeuvre musicale que l'on pourrait utiliser en guise de simple bande-son de vos activités  quotidienne mais il va bien au delà  du simple divertissement. Il y a un but derrière tout ça donc, il est donc un disque  ...politique. Oui je sais depuis les terribles 90's et leur cynisme absolu on vous a fait croire que la politique n' avait rien à faire dans la musique. Il va d' ailleurs être intéressant d'observer les réactions qu'il va susciter chez certains amateur d'indie-rock 90's.
Ce constat ce n' est pas moi qui le fait mais Savages quand elles affirment haut et fort  leurs volontés en balançant  sur le net leur manifeste: "SAVAGES is not trying to give you something you didn't have already, it is calling within yourself something you buried ages ago… We must teach ourselves new ways of POSITIVE MANIPULATIONS, music and words are aiming to strike like lightning, like a punch in the face."
Je sais que beaucoup d' autres artistes tenaient ce discours ces dernières années mais rarement ils l'ont fait avec autant de conviction et jamais aussi  leur musique le reflétait autant que celle de Savages .On est bien loin du pseudo rôle de nihiliste que certains voudrait attribuer à la passion de la musique dans cette société du spectacle. Les Savages revendiqueraient-elle l' héritage  Situationniste ?  Et comment mon Guyguy !
Pour enfoncer le clou je vous demanderai juste de vraiment lire le texte de la couve. Tout y est dit. En gros, stopper ce que vous êtes en train de faire  et concentrez-vous uniquement sur l' écoute du disque.


Et la musique dans tout ça? On peut bien sûr évoquer tout un pan du punk et même sa préhistoire  pour l' urgence et l' agression sonore (le stoogien  "City's Full).  Pas surprenant alors de penser également aux punks danois d' Iceage au tout début sur le déchirant "i am here" martelé du premier titre qui  rappelera le non moins marquant pressure de l'"ectasy" des nordique.  Le post-punk reste malgré tout la grande référence absolue pour l' intelligence, l' exigence, la prise de risque de ces aventurière sans oeillères et leur érudition. Bien sûr que Joy Division et Siouxie sont présent mais il faut aussi aller voir du coté de Pere Ubu, Magazine et même Bahaus (en mieux je vous rassure sur de dernier). C'est parfois si sombre que l'on pense au gothique mais pas le gothique caricatural qui a tué le genre. Preuve s'il en est de leur immense culture et de leur ouverture d' esprit issu du post-punk le disque se termine par du  jazz avec le dernier titre du disque où un piano fait planer l'ombre du Nick Cave période Bad Seeds.
Je sais c' est bateau de dire ça mais ce disque mérite bien plus que quelques écoutes distraites comme c'est la norme de nos jours.
 Autre chose. Je vais dire un truc qui m' arrache la gueule mais ce sont toutes de putains de grandes musiciennes. Attention je ne parle pas de pure  virtuosité technique avec leur instrument mais du fait qu'elles développent chacune  un style bien à elle et facilement reconnaissable. Un style parfois fait d' approximation et de limite technique. La marque des grands en somme. Je pense aux trois Joy Division encore vivant.
La section rythmique (Ayse Hassan & Faye Milton) est digne des plus grandes, celle nommée précédemment bien sûr (Hook et Morris), mais aussi Mani et Reni des Stone Roses. Et comment ne pas parler du son dévastateur et irréel de la guitare (Gemma Thompson) qui vous annonce mes chers amis que l' Attila post-punk des temps anciens est à nouveau aux portes de nos villes prêt à tout enflammer. Et puis il y a the voice. Jenny Beth. Cette compatriote qui a décidé de quitter la France pour l' angleterre parce qu'elle  étouffait dans le petit monde ringard de la musique d'ici. Elle a bien fait. Elle ne lache jamais en allant à la facilité et ses références cinématographiques et littéraires tombent toujours juste. Ce ne sont pas des caches misères comme chez bon nombres de ses compatriotes.


J' ai attendu ce "Silent yourself" depuis très longtemps. Je l' attendais même avant que ce groupe ne se forme. Savages a pris tout son temps depuis la Route du Rock 2012 parce qu'elles savaient où elles voulaient aller.
Devant leur foudroyant concert on pouvait craindre que le format long dévoile des lacunes ou une énième supercherie. Il n'en est rien et c'est l' inverse qui se produit. Je savais que ce groupe pouvait appartenir à la caste des grands mais j' étais loin de me douter à quel point  "Silent yourself" serait dès sa sortie un  "Classique" de l'histoire du rock. Pourquoi donc?
Tout simplement parce qu'il capte l' air du temps. Une époque où nous avons le cul entre deux chaises. Partagé entre la désillusion et la volonté de vouloir à nouveau écrire l' histoire malgré tout. "Silence yourself" est ce bref moment ou tout peut basculer. Cette irrépressible envie de couper la perfusion de l' alimentation artificielle qu'est cette société du spectacle où tout est marchandise et enfin de sortir dans la rue.




Commentaires

  1. Bravo pour cette article.
    Un des meilleurs et des plus exaltants, de l'histoire de DWTN!

    Votre fervente admiratrice.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire