Dancing With The noise nouvelle version. dernièrement:

En passant : Pourquoi en 2012 Godspeed You! Black Emperor est toujours si immense.


Godspeed You ! Black Emperor  après dix ans de silence nous est revenu avec un putain de grand disque. "Allelujah ! Don't bend ! Ascend!" qu'il s' appelle et plus d' un mois après sa diffusion l' album produit encore et toujours le même effet dévastateur ,revigorant  et novateur qu'à sa première écoute. Chose très rare actuellement dans le  rock indie à guitare tendance post-rock noisy actuel . Pourquoi alors que tant d' autres nous donnent l' impression de réciter une leçon mille fois entendue GSYBE réussit à nous emporter très loin en nous filant une grosse claque comme si en plus nous n' avions jamais écouté ce groupe auparavant ? Pourquoi cette formation vieille de plus de 18 ans file-t-elle un sacré coup de vieux à la pluspart des formations récentes du genre?
Les raisons sont bien sûr multiples mais deux sont particulièrement intéressantes à analyser.

 Les grands disques révolutionnaires collent souvent à leur époque et "Allelujah..." tombe pile poile dans le contexte actuel. Le type qui ne connaissait pas le groupe avant son dernier album sera tenté de hurler à la récupération quand il tombera sur la fin de "Mladic". On y entend le tintamarre des manifestations estudiantines canadiennes , le fameux "Printemps érable".Quand on connaît le passé idéologique fortement politisé du collectif  canadien (anticapitalistes convaincus) et on ne peut pas les accuser d' arrivisme pour la bonne et simple raison qu'ils l'ont précédé voir même annoncé.
  Les déflagrations sonores et les moments d' accalmies teintées d' étouffement (les sons d' hélicoptère) sont en parfaite symbiose avec l' état actuelle du monde, un monde oppressant prêt à tout instant d' exploser. Un monde devenu tout simplement insoutenable à cause de cette course effrénée et l' aveuglement du capitalisme qui nous amène droit dans le mur. Et c' est l'une des deux raisons évoquée plus haut. Grand  merci GSYBE ! Avec eux au moins les émotions ressenties et les comportements adoptés ne sont plus ceux  de ma jeunesse, les cyniques 90's. On est bien en 2012 et  je n' ai plus 25 ans. Je ne suis plus le jeune homme coupé du reste du monde et désirant illusoirement y échapper ,  recroquevillé sur ma sacro sainte collection de disques indies . Une autre époque, définitivement révolue et plus de mise . La force d' "allelujah..." c'est le présent qui balaye la nostalgie , le nombrilisme et le cynisme.



L' autre raison de la réussite des GSYBE se retrouve dans la diversité stylistique des influences de leur post-rock.
Une diversité essentielle et salvatrice apportée par la volonté du groupe d' aller au delà des carcans des traditions  rocks 60's et indie rock. Ce parti pris avait été déjà d' actualité avec le libérateur d' esprit et l' anti conformiste post-punk du début 80's. Quand on parle de GSYBE dans le petit cercle rock-indie ce sont les termes suivant qui reviennent constamment.  Post-rock, expérimental-rock, rock progressif. Les groupes cités comme étant proche d' eux ou les ayant influencés sont souvent Tortoise, Sonic Youth, Jesus & Mary Chain, My Bloody Valentine(parfois) et de temps en temps King Crimson(heureusement).
On voit bien à travers ce que lui inspire GSYBE l' étroitesse d' esprit qui s' est emparé du rock indie contemporain. Cet sorte d' anthropophagie dont il fait preuve. Un rock indie replié sur sa propre  histoire comme un ancien combattant évoquant ses souvenirs de guerre une fois rentré à la maison alors que la guerre justement... elle n' est pas finie  et que d' autres champs de bataille que les siens ont existé.
Bien sûr qu'il a raison le monde indie avec ses listes d' ingrédients pour le festin Godspeed mais n' oublierait-il pas  une autre caractéristique via une autre influence de l' oeuvre des canadiens.  Un terme pourtant évidant ressort plutôt rarement dans les descriptions de leur musique. Le mot Ambient. C' est à dire une musique où il n'est pas seulement question d'un type (ou plusieurs) nous racontant une histoire mais aussi une musique dans laquelle on s'immerge pour effectuer un grand voyage. Un voyage à la fois statique et immobile.

Parfois pour bien analyser et décrire ce que vous fait ressentir un disque il vous manque un petit truc. Celui qui me manquait concernant GSYBE m' est apparu en lisant la chronique de François Gorin dans Télérama. Il a lâché l' élément clé qui nous explique bien  la richesse stylistique par  leurs influences. Cette notion  (phénomène majeur apparu au  siècle dernier)  est l' autre grande force du collectif canadiens. Force qui manque cruellement au rock indie actuel. Cette diversité tant négligée par le milieu indie existe depuis bien longtemps et est présente chez GYSBE via une influence souvent ignorée.
 Un genre musical qui a déjà révolutionné et bouleversé notre façon de faire, d' appréhender, d' écouter de la musique par le passé. Un genre qui est pour beaucoup dans l' apparition de l' ambient music démocratisée par Brian Eno. Le Gamelan des polyrythmies balinaises.
Les Gamelans? Quesaco ?
 Ce sont des ensembles instrumentaux traditionnels d' Asie et plus précisément de Bali et de Java. Malgré quelques différences les gamelans de Bali et de Java sont très proches. "Comment ça ? La musique balinalaise  influence majeur de GSYBE ?"



Et bien oui ! D' après Gorin le morceau "We drift like worried fire" s'intitulait avant d' être enregistré "Gamelan" en hommage aux ensembles de Bali. Ça change des sempiternels noms rabâchés issu de la culture indie.  Et accrochez vous bien ce n' est pas la première fois que cette région du monde chamboule nos petites habitudes musicales d' occidentaux. La dernière fois c' était il y a de ça ...123 ans.

























Nous sommes en 1889. Paris fête le centenaire de la Révolution et pour l' occasion la France organise l' exposition universelle. Le fait marquant de l' expo est bien sûr l'inauguration de ce truc en ferraille symbolisant la révolution industrielle qu'est la Tour Eiffel mais à coté de ça un petit évènement moins connu a lieu. Une rencontre entre deux cultures  qui aura des conséquences énormes sur la musique du futur vingtième siècle. Des conséquences visibles encore de nos jours. Sur les musiques "classique" comme sur notre bon vieux rock et indie-rock mais aussi sur certaines oeuvres pop, électro, jazz etc etc.
Dans le pavillon d' Asie des représentations de Bedaya (danse traditionnelle javanaise) accompagnées par un Gamelan Javanais sont données. Une véritable mode asiatique va alors déferler dans le milieu artistique Parisien.
On est pas sûr mais dans le publique s' y retrouva probablement un jeune musicien d' à peine 27 ans. Il sort tout juste d' étude en musique rendues difficiles par son état  esprit jugé rebel par ses pairs. Lui est aussi reproché sa préférence pour les sons dans leur ensemble plutot que le vrai respect des notes inscrites sur les partitions. Et le petit jeune en remet une couche en s' amusant à utiliser et explorer les capacités offertes  par les instruments plutot que développer sa virtuosité technique. On est encore loin d' un John Cage disposant des objets sur les cordes d'un piano ou d' un Thurston Moore s'amusant avec un tourne visse sur son manche de guitare mais avouez que la démarche de ce jeune homme cherchant à trouver toutes les possibilité offertes par les pédales d'un piano sont assez proches. Bref un "rocker"  d' esprit libre d'un autre temps. Un musicien épris de  Sculpture et de Peinture. Un musicien qui va voir ailleurs que dans son seul domaine artistique. Il dira plus tard avoir été fortement influencé par sa rencontre avec les arts asiatiques (le gamelan bien sûr mais aussi les estampes japonaises). Il s' appelait Claude Debussy. C' est le monsieur de la photo suivante accompagné d'une femme portant une  tenue rappelant plus les habits Javanais que celle des parisiennes du début vingtième.





























Et voilà. Nous écoutions un groupe  de l'indie rock des 2000's et d'un coup  nous nous sommes mis à  voyager jusqu'aux îles de Java en observant et critiquant  ce monde déliquescent qui est le notre pour finalement  nous  retrouver en train de fumer une clope en compagnie de Claude Debussy.
Avouez qu' avec bon nombre de groupes indies actuelles on se contente plutot de rester seul dans nos chambres bien fier de  notre pseudo grand savoir culturel du passé indie, coupé des autres et par peur , refusant obstinément de vouloir changer quoi que ce soit et d' affronter l' avenir.



Commentaires

Enregistrer un commentaire