Dancing With The noise nouvelle version. dernièrement:

En passant : Gatekeeper & Tobar Roback, Exo



Cette article fait suite à celui-ci :
http://dancingwiththenoise.blogspot.fr/2012/05/en-passant-gatekeeper.html

Le fameux projet multimédia  de Gatekeeper et de l' artiste Tabor Roback est enfin disponible et attendez-vous à en prendre plein les yeux et les oreilles. Il est vivement conseillé de regarder la vidéo qui suit en plein écran et au casque.










Si dans un futur éloigné  un gamin me demande quel truc a symbolisé le plus à mes yeux   l' irruption du Haut Débit  et du numérique dans mon quotidien et ma passion pour la création musicale je crois bien que je lui montrerai immanquablement Exo.
"Papa, c' était quoi 2012?". Je serai malhonnête et je manquerai complètement d' objectivité si je lui balance des nom de groupes indies à guitare certes récents ,certes passionnant mais un peu trop obnubilés d' une autre époque.  Une époque qui a cessé d' exister le jour ou le net et son flot d' information est apparu. On peut considérer  cette vidéo comme la célébration suprême du HD et de tout ce qu'il a entraîné. Le son est énorme, les images vous éblouissent. Bien avant  tout jugement et analyse critique on peut aisément déclarer que cette oeuvre résume toute notre époque.

L' époque de l' après révolution internet qu'il faut avant tout prendre en considération dans son ensemble avant de trop durement la juger et de rejeter sur son dos tous les maux  dont souffre la musique. Enfin surtout l' industrie musicale. Gatekeeper et Exo prouve qu'il ne faut pas en avoir si peur du numérique. Vivre avec son temps pour mieux le domestiquer.
Certains fans de musique ne vont y voir qu'un simple délire de geek. C' est vrai qu' Exo est pile poile dans leur univers. Jeux vidéos, science fiction, image numérique. Je leur conseillerai de se pencher un peu plus sur ce machin. Primo la musique est bonne. Deuxio, faudrait pas trop se foutre de la gueule des geeks , de leur goûts artistique parfois jugés "douteux"et de leur isolement face au monde qui les entoure. Un fan de musique indie a un fonctionnement et une vision de la vie qui est très proche d'un binoclard coincé derrière son ordinateur et ses jeux d' héroïc-fantasy. Le jeu justement. Parlons-en. Vous savez le rock. Notre religion à nous  qu'on a. Symbole de la rébellion, de la jeunesse et de liberté. Ben il est battu à plat de couture. La pop culture? Elle aussi et du coup elle en fini pas de bégayer et de jouer sa pleureuse. C' est pas moi qui le dit ce sont les chiffres.
Des années 60 jusqu'aux années  90 l' achat de musique squattait la deuxième place derrière le bon vieux livre dans le classement  des ventes de produits culturels. A présent la musique( matérielle ou non) voit sa part diminuer et depuis quelques année un truc l' a détrôné. Le marché de l' industrie du disque en 2010: 812 Millions d' euros et  en baisse depuis 20  ans. Celui de ce que l'on appelle les loisirs interactifs (jeux, vidéos, console,logiciel ) , 3 milliards d' euros!!!
Cherchez pas monsieur Pascal Nègre où sont passé vos sous et n' accusez pas uniquement les vilains petit pirates du net parce que je crois bien que c' est le gros Mario Bros qui vous les a volé.
Bien sûr que les jeux peuvent être taxé du simple adjectif ludique. Un simple produit de divertissement. Et le rock? N' a-t-il pas été aux yeux de bon nombre qu'un simple divertissement ludique résumé dans le caricatural "Sex, drugs & Rock'n'roll" ? Et encore plus de nos jours maintenant que le mainstream s' en est emparé totalement et la détourné sous forme d' un simple produit de concommation.


Gatekeeper comme je le disais précédemment  aime le multimédia et possède une vision de la musique qui ne se limite pas au sempiternel doublon disque-tournée qui est encore le lot d'une grande partie de la production musicale. Leur collaboration avec  Tabor Roback n'est bien sûr pas vraiment originale et est à classer dans la lignée de trucs comme le groupe virtuel Gorillaz de Damon Albarn.
Si Albarn et ses amis s'inspiraient des mangas japonais ,de la culture rock (le personnage du bassiste) et d'une multitude des courants musicaux apparus depuis trente ans  Exo  s'inspire quant à lui de l'univers des jeux vidéos et d' une diversité musicale bien moins grandes. Une diversité limitée  certes mais peut-être plus efficace et en totale adéquation avec la thématique (jeux vidéos) abordée.
La musique proche de l' acide-trans et de l' indus évoque fortement l' Electronic Body Music du début des 80's,  des groupes comme DAF, Front 242, Clock DVA ou plus proche de nous, Meat Beat Manifesto. Mais pas seulement.
Je disais que Exo résumait notre époque. Leur musique au son surpuissant se rapproche aussi de celle très récente du courant maximaliste que symbolise à merveille Rustie.  Superposition de couches sonores,intervention inopinée  de bruits  en tout genre, bourdonnement des basses. C 'est bien la musique de la génération qui a grandi avec le son  dolby stéréo surround des grands complexes de cinéma. Les yeux rivés sur un déferlement d' image, une musique dans l' oreille gauche, un crissement de pneu ou un bris de verre dans l' oreille droite.  Un déferlement d' information. Une trop grande quantité en trop peu de temps qui peut faire passer à coté de l' essentiel? Oui, ne nous le cachons pas, mais pas systématiquement.
 La musique de Gatekeeper cinématographique ? Logique et pas surprenant quand on connaît l' influence des travaux de John Carpenter sur leur ep "Giza" par exemple. 
Allez on se fait un petit plaisir:


Si les deux Gatekeeper s'inspirent toujours autant de la musique  claustro de Carpenter  mélangé à de l' EBM ("Exolift")  ils rajoutent également de l' espace et  certains n' hésitent pas à y voir même du psychédélisme. On peut par exemple planer avec "Hydrus" et ses nappes de synthétiseurs. Peut-être que ce qui rend si attachant Exo c' est ce curieux mélange de sensations opposées dans notre inconscient. On voit beaucoup de paysage de science fiction dans l'oeuvre de Roback, une nature imaginaire paradisiaque qui s' entrechoque avec une musique virile héritière de l' indus, une musique qui tape très fort et qui angoisse. Ainsi si vous allez au bout du film vous comprenez bien que ces  paysages zen n'en ont pas pour bien longtemps.
Le travail de l' artiste Tabor Roback, à l'instar de celui de Gatekeeper, repose sur  une débauche de technologies. C 'est un point commun avec bon nombres d' artiste musicaux résidant tout comme lui à Brooklyn. Des gens qu'on aime bien par ici, les David Lopatin (Oneohtrix Point Never) ou Laurel Halo.



PS: Quand dans un autre article je parlais d' "asservissement" à la musique et de l'influence qu'ont  tous les sons entendus par le passé sur notre inconscient tout au long de nos vies    je ne pouvais ne pas me remémorer certains souvenirs de mon enfance et de celle d' autres. Et cela tombe pluto bien bien vu que je viens de parler du travail musicale des Gatekeeper s'inspirant des jeux vidéos.
Allez zou on déballe l' antiquité et direction la Corrèze en l' an de grace 1986.

Cette chose s'appelait un MO5 et était le sommet de la technologie française (Thompson) d' alors en matière de ce que l'on nommait pas encore le loisir interactif, ce même loisir  qui fait si chier pépé Pascal Nègre de nos jours. 
On pouvait faire plein de truc avec ce machin là. De la musique binaire, des "jolis" dessins que l'enfant montrait à Mémé Rose sur le "poste" (télévision) familiale le dimanche après midi. Pauvre mémé Rose, elle avait participé pour me l'offrir et en plus elle devait subir ce que je vais aborder plus tard. Autre aspect ludique et pédagogique, on apprenait le langage informatique "basic". Et le plus drôle et qui démonte une bonne partie de l' argumentation des Pascal Nègre , on pouvait même recopier des cassettes de musique à l' aide d'un câble relié à un autre lecteur si nous ne possédions pas un double lecteur cassette. Et oui, le piratage existait bel et bien dans les années 80 et ça n' a pas eu trop d'influence sur les chiffres de ventes phénoménaux de disques d' alors. Dans mon cas perso je préférais mettre mon argent de poche sur l' achat d'un jeu ou des manettes et je recopiais les cassettes musicales de mes copains. Déjà !

Mais ce n' était pas tout et autant le dire tout de suite le seul truc qui me prenait le plus de temps c' était ça:

Les premiers jeux. Et le bidule truc "asservissement à la musique" me direz-vous? Et bien il en est question avec ce qui permettait alors de télécharger des jeux. Un simple lecteur cassette!

On mettait la cassette , on tapait une instruction sur le clavier, on appuyait la touche lecture et zou c' était parti. Enfin parti, pas tout à fait. Le téléchargement était très long  et  il fallait patienter de  10 à 40 minutes. C' est à ce moment-là qu'une chose magique se passait. Un truc qui allait probablement influencer mes goûts musicaux quelques années plus tard avec la découverte de la musique techno , My Bloody Valentine, la vague shoegaze ou le boucan de Sonic Youth. Le noise de Merzbow ou les mini drone électro de Fuck Buttons étaient certes agressifs à leur découverte mais plus totalement inconnu pour moi. Quand le jeu se chargeait on entendait un brouillard sonore fait de sons digitaux, magnétiques, stridents. Comme si on avait maltraité la bande de la cassette. Bref du bruit mais un bruit hypnotique, puissant  et totalement nouveau pour le gamin que j' étais. J' arrivais même à discerner une sorte de rythme. Ce son était semblable à celui que procure l' envoi d'un fax sauf qu'il s'étalait sur une plage temporelle bien plus grande et rendait l'effet hypnotique encore plus fort. C était dévastateur et jouissif sur un système auditif habitué à l'instrumentation classique.
Écoutez, ça reste pour moi l' une des musique les plus belles qui soit. Belle à en pleurer. Pour certains un chant d 'oiseau ou un générique de dessin animé sont évocateurs de  l' enfance et ses paradis perdus. Pour moi c' est également ce boucan industriel et électronique( les sons de téléchargement  Amstrad ci-dessous ressemblait beaucoup à ceux des MO5 pas trouvés).

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