Dancing With The noise nouvelle version. dernièrement:

ELYSIA CRAMPTON ou, l' art de traverser les fossées de l'esprit




Il est beaucoup question de Elysia Crampton (aka E+E)  ces derniers temps. Signature chez des potes de James Ferraro, le label Break World. Réédition de son album "The light that you gave me to see you" sous pseudo E+E. Depuis quelques semaines elle livre régulièrement sur son soundcloud une passionnante suite de remixes à base notamment  de titres de la prometteuse Kéléla .  Travail de remixe débouchant sur de longues mixtapes dont le sujet est la révolution des Aymara en Bolivie.
"Dissolution of The Sovereign: A Timeslide Into The Future" la voit aborder plusieurs thèmes qui lui sont chers. Le colonialisme en Amérique du Sud, le lien entre Passé-Présent-Futur et un soupçon de  science-fiction. 
OUPS!
...
ARGH !!!!!!!!

Commencer cet article comme ça est injuste et totalement à coté de la plaque. Elysia Crampton dans mon petit cerveau passablement abîmé de junkie musical c'est l' équivalent d'un Ariel Pink, d'un Daniel Lopatin ou d'une Holly Herndon.
De plus  je vais perdre bon nombre de lecteur. Certains vont se dire  : "oh encore un truc froid d'intello pour salle d' expo d' art contemporain".
A ceux-ci je peux vous affirmer qu' écouter Elysia Crampton est tout autant chargé en émotion et en hédonisme que se taper un vieux titres de Morrissey, de PJ Harvey ou de Nick Cave.
D' autres vont lire ça comme une énième news sans réel fond d'un blog musicale concernant un artiste inconnu. Une news de plus dans l'océan d'informations numériques et des sorties surabondantes de disques.
Bordel!!! J' écris pas sur le 256ème groupe a vouloir ressusciter le shoegaze de mon adolescence, j' écris pas sur le 6215 ème chanteur américain voulant être le nouveau Dylan. J' écris pas sur le 456ème rat de discothèque qui se pointe avec un truc réussi  mais uniquement le fruit d'un assemblage de choses mille fois entendues.
Je vais écrire sur une femme aussi importante qu' Holly Herndon pour le présent, que Kraftwerk ou que Ian Curtis pour le passé. Un truc qui a changé ma vie comme Madchester, MBV ou l' électro. Rien que ça!!!!
Si j' ai décidé de vous parler de cette artiste aujourd' hui c'est  après  3 bonnes années d' une passion foudroyante. Une passion non partagée parce que ce fut une expérience artistique si forte qu 'elle a touché l'intime.   Vous pouvez chercher il n'y a pas d' article sur cette artiste Bolivienne de naissance et résidente  une grande partie de sa vie des Etats Unis.  C' était trop compliqué, trop difficile, trop à raconter,  trop de  ...tout! Il y a tout chez Elysia Crampton et surtout, il y a l' avenir.
Par contre fallait quand même laisser une trace. Un détail en espérant qu'un type ou une fille au fond de la cour me fasse le fameux clin d' oeil de ceux qui partage un secret. Ainsi  chacune de ses sorties discographiques se sont vues classées dans mes top annuels.

Pour parler d'une artiste il faut parfois bien du temps avant de comprendre son oeuvre et sa portée. Réaliser à quel point les conséquences vont être durables.   J' ai mis quatre ans pour les cas Ariel Pink et Daniel Lopatin via ce qui se passait avec l' hypnagogic-pop et toute ses soeurs et filles stylistiques.
Quand c 'est important on ne peut pas le traiter à la va-vite comme s'il s' agissait d'un énième pastiche du passé de la musique.
L' afflux de particularités et de nouveautés que Crampton apporte dans le paysage musicale s'est souvent apparenté à un trop plein d'informations et d' émotions en très peu de temps qui plus est.  Trop à digérer et ensuite à tenter de retransmettre.  Comment écrire la-dessus à tête reposée face au  gigantesque choc   provoquée par sa musique, l' emprise émotionnelle , la complexité et la diversité des sujets abordés,. Comment rendre "cool"   ce non-conformisme  entraînant  une  appréhension paralysante au moment du partage. Comment faire comprendre qu'il faut aller bien au-delà  des risques  d' interrogations et d' incompréhensions du chroniqueur enthousiaste et  qu'en plus on risque ne récolter  qu' un refus malheureux chez mon interlocuteur.
Enfin, comment ne prendre en compte le parcours hors normes de cette jeune femme transsexuelle d' origine indienne. Qui plus est une ancienne travailleuse du sexe. Et  vous pouvez me croire, j'en oublie!
 L' assimilation aura finalement était très lente, 3 ans !  Mais prendre un certain recule face  à une tel oeuvre magistral, rentrer dans l'univers de l'une des artistes les plus révolutionnaires et talentueuse de la musique expérimentale et underground version post-internet, ce n' était que nécessaire. La vraie nouveauté laisse toujours un goût d' effroi, une insécurité et un trouble profond. Parfois même ça ne saute pas aux yeux. Elle apparaît même "moche" dixit certains.
En 2016 comme en 1976.
1976 par exemple. Manchester Juin 1976. Quand les premiers spectateurs Mancuniens des Sex Pistols ne savaient pas à la fin du concert si c'était "de la bonne zique", "si le concert était réussi" ou encore si le son "était bon".  Peter Hook parla d'un son inaudible, Morissey d'une attitude "agressive " pour décrire le groupe sur scène. Tony Wilson d'un "set bâclé en même pas une demie heure sans aucuns compromis aux coutumes du spectacle (rappel, applaudissement etc etc )". Des jugements qui  en 2016 sont symboliques dans nos esprits de concert raté ou de truc chiant parce que ne répondant pas à nos critères  actuels tant influencés par cette putain de société de spectacle.  Face à autant d' agressivité sonore inédite,  face à ce trop de tout, trop de vie et de rage, de "jamais vu et entendu" les "chanceux" de 76  ne savaient qu' une seule chose les concernant , peut-être l' essentiel de ce que l'on doit attendre de la musique : "PLUS RIEN NE SERA COMME AVANT".




L' effet Pistols du 4 Juin 1976 au Lesser Free Trade Hall version  Elysia Crampton se sera un soir d' été 2015  en écoutant  "Petrichrist". Pour moi ce "Petrichrist " est l'un des titres les plus importants de la décénie. Je place ce titre au même niveau que certains d' Oneohtrix Point Never pour les 10's, d' Aphex Twin pour les 90's, du Talk Talk de la fin 80's et on va s' arrêter là en nommant  Can pour les 70's. 
Un monstre d' emphase, d' agressions sonores numériques, un produit  technologique et en même temps  une oeuvre porteuse d' une humanité  forte , d'une  sensibilité absolue et fruit d'une réflexion pertinente rarement vue de nos jours. Quid des american-native dans les States du 21 ème siècle? Quid de la question transsexuelle?
 Le futur et le présent rencontrent le passé, La technologie moderne se confrontent aux racines de chaque être humains et donc,   à mère nature. La culture populaire la plus "dévalorisée" se mêle à l' expérimentation 
jugée "sérieuse" la plus intransigeante . Le "bon goût" au "mauvais goût". Les légendes du passé  comme celles  issues de la science-fiction servent à mettre en relief la réalité contemporaine et l' explique comme rarement c'est le cas de nos jours.
Quelqu'un pour définir les travaux si d' Elysia Crampton a parlé de collage sonore homérique. Comme l' oeuvre antique c'est une véritable aventure au sujet de laquelle il y a tellement à dire.  Tellement de sujets abordés. De plus, faire référence à l' Antiquité européenne au sujet de cette descendante  amerindienne a quelque chose d' ironique si pas sarcastique  quand on penses à ce qu'à fait (font!) subir à son peuple  justement les héritiers européens.
 Alors qu'y trouve-t-on dans ces collages sonores présents sur l' album "American Drift"? Les gimmicks des radios latines américaines, une fabuleuse boucle  d'un rythme folklorique Boliviens aux origines  pré-colonisation  et allant crescendo pour porter l' émotion à un niveau rare. Le couplage sans gène subi par ce folklore  à des stimulus numériques du 21 ème siècle , des sortes d' agressions surnaturelles et futuristes,  puis enfin  des nappes de synthés planantes venant d'une autre époque que l'on qualifiera "intermédiaires" (les 80's). C'est un voyage temporel, géographique, sociale et trans-genre digne de celui d' Ulysse qu'offre Crampton. Un voyage dans sa vie, celle de sa famille, de son peuple, du notre, bref, de notre histoire à nous tous. 


                                      

Ma première rencontre fortement émotionnelle et ressemblant à un choc artistique des genres avec elle date de la sortie fin 2013 début 2014 de l'unique album de son projet E+E, "The Light That you gave me to see you" .
Ce qui me marqua le plus était  la succession de titres faussement joyeux hyper surchargés et d' autres très dark, sobres et planant. Le trop-plein de "Big Fire"face à la fausse zénitude/variétoche d' "Omega". La recette concernant "Big Fire" est la même que celle de "Pétrichrist". Rythmes Sud-américains numérisés et sur-compressés. Boucles devenant de plus en plus hypnotiques et émotives. Jingles radios encore une fois. Richesses et diversités des sources sonores toujours. Le collage sonore, vieille technique musicale du 20ème siècle commencé avec des bandes magnétique ne s'en remet pas. Je suis curieux de savoir comment réagiraient les papas du genre, les Xénakis, Cage et compagnie. Ce que l'on appela plus tard  du sampling   prend encore ici un sacré coup de reliefting.
Notre satané référentiel culturel déjà mis à mal pour le plus grand bien de notre ouverture d' esprit le sera encore plus avec "Omega". Confiture dégoulinante venant de la pop couplée à des synthés dark dignes de Twin Peaks et au son strident de   ...Formule 1 !!! Elysia Crampton en tant que fan de bagnoles en remettra une couche avec son clip de "Fire Gut". Et oui chers Européens, l' intrusion de la culture populaire dans la musique pop moderne ce n'est pas seulement une référence aux Simpson ou au foot.
Plus loin elle fait chanter une mièvrerie de Rihanna à une de ses copines sur fond de piano lugubre avec encore des interaction numérique venue de nul-part mais rajoutant à l' aspect "bizarroïde" de l' ensemble. Rihanna tirée par le string dans l' antre de Dominick Fernow ou Demdike Stare.
 En grattant plus on sent une passion pour des genres musicaux  issus souvent des ghettos. Des styles traités trop vite de "sous-genre"  car  souvent  dénigré par l' intelegencia indie blanche dominante dans les médias musicaux. C'est quoi cette vision journalistique occidentale consistant à élaborer un système hiérarchique pyramidale des genres et scène musicaux?
Il y a chez Crampton le crunk du Sud des States, le r'n'b "pour supermarché ou ados hystériques". Elle avoue aussi s'inspirer fortement de que l'on nomma autrefois la Tribal House, de la version digitale de la Cumbia et enfin on apprend grace à elle l' existence d'une scène psychédélique et métal riche du coté de sa Bolivie natale et du Pérou. Pour le Pérou et son électro la compile "PERU BOOM : Bass, Bleeps and bump's from Peru's electronic underground" classé l' an dernier par DWTN nous avait prévenu.   Tout comme au sujet du psychédélisme  les  voisin chiliens Föllakzoid & The Holydrug Couple (cf ici). Pour le reste c'est découverte sur découverte.
  Comme Daniel Lopatin elle dit chercher dans les poubelles musicales et culturelles. "American Drift" c'est la version trans-latino-folklorique de "Garden of Delete". Au coincé du bocal je préviens que la rencontre de certains titres et leur contenu va mettre à mal leurs certitudes sur ce qu'est le "bon goût". Vous trouviez qu' Ariel Pink c'était parfois "bizarre" et les emprunts de Lopatin à prendre avec des pincettes. Vous n' avez rien entendu encore. Crampton tape encore plus profond et transforme les détritus du capitalisme et du colonialisme en  des pépites irréelles capables de réinventer le vocabulaire musicale contemporain.


Elysia Crampton   s' inscrit dans cette nouvelle indie-music (tant décrite dans ce blog) qui a balayé les valeurs esthétique d'un autre âge (les 80's et 90's avec leur goût pour la chaleur analogique et la nostalgie). Que de points communs avec la post-club des MESH ou Brood Ma et sa version orientale via Ash Koosha. Que de rapport avec les programmes politico-socios et sexuels des Lotic et Arca.
 Elle aussi prouve s'il en est que l' avenir de la musique "pop" n'est plus à chercher toujours dans les même endroits qu'en 1960, 70 ou 80. Proche d' elle j' avais déjà cité Diamond Black Hearted Boy, aka Chino Amobi, personnage intriguant et passionnant qui amène également au même constat de changement. La tarte à la crème world music journalistique servant le plus souvent de bouche-trou exotique n' est plus une blague mais une réalité. Ash Koosha et l'Iran, le Gqom Sud Africain, le Skri-Lankais Paul Jebanasam, le footwork et la juke culture Japonaise et Russe ou le croisement électro europe/afrique via Lisbonne et sa Cargaa. La mondialisation a fait son oeuvre et comme d' hab on avait vu que les mauvais aspects capitaliste en un premier temps. Enfin plutot les aspect ressentis par une petite partie de la population mondiale.  Tout ces artistes nous dévoilent l' envers du décor et font un bien pas possible. Ils ouvrent de nouvelle portes s'en omettre de signaler  le mal économique et culturel dont la mondialisation a été coupable entre les mauvaises mains. Rarement les leurs, souvent les notres.



En octobre dernier  Elysia Crampton participa au super festival polonais Unsound et marqua fortement l' assistance d' après les dires. Depuis, son nom apparait de plus en plus. Parfois on y parle plus de sa transsexualité ou de ses origines que réellement de sa musique mais cette dernière est tellement imprégnée de ces aspects de l' artiste que c'est plutot justifiable. Ses interview sont passionnante tellement la dame a à nous apprendre. Des artistes comme Rabit, Chino Amobi, Dj WWWW, Lotic, Evian Christ et MESH la citent ou l'utilisent pour leur mix. La clique mancunienne de Modern Love  l' ont publié. Les projecteurs se portent de plus en plus sur des artistes proche par leur approche et leur style de la Bolivienne, Total Freedom et la clique NON,le fêlé Sentinel, le déjà vu par ici TCF ou Diamond Black Hearted Boy.
Quant à moi cette musique ne me quitte plus et il ne se passe pas un mois sans qu' "American Drift" ne soit mon disque de chevet. Comme Dylan ou Cave jadis et OPN et Herndon de nos jours.

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