Dancing With The noise nouvelle version. dernièrement:

Paper Dollhouse ou, les sylvidres sont revenues pour vous hanter.



Il y a parfois des disques qui,  par leur simple beauté, et sans aucune considération artistique réfléchies,  vous propulsent aux plus profonds de vous même à la rencontre de puissantes émotions du passé. Des disque qui saisissent par le bras l' adulte que vous êtes devenu et vous prouvent que dans votre passion pour la musique, sans parler de nostalgie  abêtissante , vous avez peut être toujours rechercher ce frisson bien précis, une sensation grisante et ambiguë datant de votre enfance. La sensation originel.
Hier soir j' ai écouté un disque. Un disque glaçant,  magnifique. J' étais allongé dans mon lit. Seul. Mon amour étant auprès de mon autre petit amour. Le casque sur les oreilles, dans l' obscurité,  j' ai fermé les yeux. J' ai senti peu à peu mon âme d' enfant reprendre le pouvoir, oublier un instant ma coquille charnelle d' adulte pour affronter un imaginaire longtemps disparu de mon quotidien. Un univers froid, désert, lugubre et à la fois attirant. Des territoires chimériques où des êtres angéliques, vénéneuses et envoûtantes à la fois, me charmaient autant qu'elles me terrorisaient. Entre femmes fatales et mères aimantes. J' ai flirté avec des peurs et des plaisirs ancestraux de mon histoire de vie par la simple grâce d'un disque.
A un instant j' ai senti une joie intense et une frayeur mille fois recherchée. Un souffle glacé sur mon  cou. C' était bien celui de très vielles connaissances perdues de vue. Elles étaient revenues. Les sylvidres de mon enfance.






Paper Dollouse est entré dans ma vie comme ça. Provocant cette évocation de ma jeunesse télévisuelle. Et oui que voulez-vous, les conteurs d' autrefois, les  tenanciers de l' art oral avec leurs légendes et leurs histoires du passé avaient déjà laissé leurs place  au coin du feu à la modernité médiatique. Ces femmes végétales dangereuses venant des tréfonds de l' espace. Belles et perfides. Perfides quand elles anéantissaient et trompaient  la race humaine et pourtant si belles quand elles apparaissaient et mouraient. Ces êtres à la peau blafarde qui prenaient feu laissant entrevoir leur corps somptueux quand les flammes vertes et bleues  avaient eu raison de leurs vêtements. J' en ai fait des cauchemars de ces créatures. Ou étaient-ce des rêves érotiques ou des évocations  maternels?
Astrud Steehouder et Nina Bosnic nous viennent de Londres, copine d' Andy Votel, elles se propulsent avec leur " Aeonflower" au panthéon des beautés givrées et intouchables découvertes ces dernières années. Quand certaines chanteuses prennent l' apparence sonoresde mes "Sylvidres" de l' enfance. Ces voix angéliques évocatrices tour à tour de la richesse de la vie et de la naissance puis, de la mort et la désolation. Les Julia Holter, Julianna Barwick, Zola Jesus, Liz Harris (Grouper, Mirroring, Ruins), Group Rhoda, Camella Lobo de Tropic du Cancer. Parfois c'était même des hommes, James Blake et Bryan Pile d' Ensemble Economique. Des Sylvidres déguisées pour mieux nous tromper?



Les deux anges de Paper Dollhouse s' étaient fait connaître il y 4 ans avec un disque folk très beau et intriguant par ses emprunts aux manières de la musique hauntologique. Ainsi l'on pouvait reconnaître des références appuyées à la pop 60's,  Scott Walker et France Gall, voir plus proche dans le temps, l' inévitable Arthur Russel. Un disque où le classicisme folk/lo-fi se mêlaient à la modernité des techniques issues de  l' ambient, pédales d' effets,  sample de sons du quotidien ou  issus d' expérimentations électronique.
Avec "Aeonflower" la chaleur du folk et du son lo-fi a disparu laissant la place à des bourrasques polaires venant de la Dark Ambient si ce n'est pas de l'Indus. Trajet inverse à celui de leur soeur Liz Harris. Bien évidemment les plus anciens retrouveront des paysages désolés approchés par Cure, Joy Division ou Magazine. Mais attention, Paper Dollhouse ne sont pas de simples fossoyeuses du gothic et de la New Wave   du début 80's. Elles leur offrent la modernité dark contemporaine tant défendues par ici. Le grand Dominick Fernow (Prurient/Vatican Shadow) voit ici la production s'inspirer de ses rythmique martiales et lentes. Certains effets sonores offrant un aspect lourd et oppressant ont déjà été croisés ou énoncés chez Raime, Silant Servant et la clique Modern Love (Andy Stott & Demdike Stare. Je pense par exemple au croisement de la musique lugubre de "Silence" avec des voix proche des chant ethniques ou des sorcières du Moyen Âge provenant d' époque lointaine (Demdike Stare des débuts). L' occultisme post-punk à l' origine du gothic  des Throwbing Gristle et de Current 93.
Ce disque est profondément une oeuvre ambient parce que les deux jeunes femmes refusent tout schéma pop classiques. "Hélios" qui fait figure de single n'est juste qu'une répétition de deux voix au phrasé parlé se répondant sur fond de synthés funestes et d'une rythmique industrielle hésitant entre "Forest" et "Closer". "Psyche" suit avec du drone bruitiste sur lequel se posent des voix lointaines de sirènes et un phrasé une nouvelle fois parlé (sample hauntologique?). Le tout avec l'intervention d'une guitare noisy/shoegaze. Les mots sont rares et répétés sans cesse sur l' ensemble du disque. Tout n' est qu' incantation cryptique et mélancolie ici.
La démarche des Paper Dollhouse qui est de retourner aux origines de leur cultures convoque à mon esprit le dernier Vessel et un peu James Holden.  Mais un Vessel où les rythmique ont laissé leur trône aux voix féeriques  et déchirantes d' Astrud Steehouder et Nina Bosnic dans les déserts post-industriels de l' Angleterre du 21 ème siècle.



Ce disque est beau, viscérale, vital et mortel  comme les Sylvidres de mon enfance pendant leurs morts atroces et obsédantes.
Essentiel et inoubliable





PS: Ce qui a fait le lien dans mon cerveau malade.
Plusieurs fois un synthé écrasant fait son apparition, début de "Diane", c'est ce synthé qui a fait office de révélateur mémoriel à votre serviteur épris des Sylvidres dans les aventures d' Albator. Cette nappe de  synthé étouffante s' invitant dans ma chambre dans la pénombre, je la chérissais tant au cours de mes soirée solitaire d' enfant. Quand j' écoutais pour dla ix mille sept cent huitième fois l'un des rares disques de ma collection. La face B du générique du héros télévisuel Albator était plus flippante, plus étrange et bien plus évocatrice que la face a chantée par le Peter de Peter & Sloane trop entendus par la suite. Ce titre malgré son développement un brin balourd m' a hanté très longtemps avec son intro maléfique.

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