En passant: Sun Araw, M Geddes Gendras & The Congos

Cameron Stallones (Sun Araw) dans sa bulle en jamaïque avec The Congos

Je sais ce que vous allez dire. Encore un truc sur l' hypnagogic-pop. Ben oui. Mais seulement voilà. C 'est plus fort que moi. Il faut que je vous convaincs une nouvelle fois sur l' importance que ce courant underground  a ou, qu'il  va prendre. Remettre l' accent sur son rôle de porte de sortie salvatrice vers l' innovation et la marche en avant en musique. Il s' inscrit  historiquement dans la catégories des musiques les plus aventureuses  et novatrices ( Dub reggae, Krautrock, expérimental, électro ...). Bref, des plus importantes .

Sun Araw est issu de la scène Hypna. C' en  est même l' un des artistes les plus essentiels. Peut-être le versant du genre le plus influencé par le New-Age. Sun Araw s' inspire beaucoup de musiques ethniques et rituelles. C' est ce  qui donne la très forte touche de spiritualité qui imprègne  ses oeuvres. Son traitement du son caractéristique se rapproche considérablement d' un type comme Balam Acab et la passion de ce dernier pour tout ce qui est du domaine aquatique.
"Beach Head", "One Patrol" et "Ancient Romans" sont ses disques les plus notables qu' il faut dénicher pour sortir du train-train quotidien. Sa musique est devenue avec le temps plus accessible mais n' a pas perdu de sa force et son intégrité. Pas prêt de figurer sur une compile Inrock pour le dire plus crûment. Pour commencer attaquez vous à leur dernier, "Ancient Romans". Son évocation de l' Antiquité rappellera à certains celle de Julia Holter.

Son dernier effort est une collaboration avec les vétérans du reggae The Congos.
  The Congos est une légende de la musique jamaïquaine depuis leur "Heart of the Congos" de 1977. Je devrais dire une légende de la musique en général et pas seulement du reggae tellement ce disque fut en son temps novateur. Perso, et mon avis est partagé par beaucoup, je considère ce disque comme le meilleur du genre. Ben oui. Devant le grand Bob. Rien que ça.
Les raisons qui me pousse à dire ça n'ont rien à voir avec l'imagerie simpliste véhiculée par les fans de reggae en France qui tourne le plus souvent autour de vieux clichés éculés, politiques(symbole de gentille rébellion), sociaux et adolescents(la fumette). Non, les dreads, très peu pour moi.
Il y a aussi dans le reggae une symbolique religieuse et spirituelle et là on peut repenser ce qui a été écrits plus haut concernant Sun Araw et leur passion pour le new age.
Ce qui me passionne dans le reggae d' origine c' est  son rôle novateur dans la production et le traitement des textures sonores. En bref, ses caractéristiques provenant des soundsystems jamaïquains de la fin 60's-début 70's. Cette artisanat musicale fait avec trois fois rien qui a vu son influence devenir énorme dans l' histoire de la musique jusqu' à révolutionner l' art d' en faire.
On peut citer des noms aussi divers et variés comme Public Image Limited, The Raincoast, Arthur Russel, Primal Scream, la scène acid, le rap etc.  Et je ne parle même pas  des dizaines de producteurs nourris de ses travaux, Martin Hannett , John Leckie pour évoquer ceux de la sphère indie. On ne peut évoquer les Congos et le dub sans parler évidemment du génie en chef de toute cette foutue histoire , le producteur du disque, Lee Scratch Perry.

Lee "Scratch" Perry par ses collaborations avec les Congos et d' autres artistes a révolutionné l' art de faire de la musique. Le studio d' enregistrement est devenu entre ses mains un incroyable instrument au même titre que la guitare ou le violon. On est pas loin de la pensée de Brian Eno sur le sujet.

Je parlais pour Sun Araw et une bonne partie de l' hypnagogique-pop de ce goût prononcé pour les sons et la production évoquant le milieu aquatique. Perry dans l' une de ses hallucinantes interviews : "L' électricité est l' oeil, l' eau est la vie". Ca y est ! On l' a trouvé LE trait commun entre Dub-reggae et Hypna-pop. Ainsi la collaboration entre deux générations éloignées dans le temps et géographiquement, Sun Araw avec Geddes Gendras rencontrant  The Congos, trouve ici toute sa logique.

Après avoir expliqué les liens entre le reggae et l' hypnagogic-pop parlons du disque.
"Icon  Give Thank" sort ces jours-ci. Il est donc le fruit d' une collaboration entre des jeunes et des anciens. Normal puisque c' est l' objectif  de la série FRKWYS publié par l' intéressant label RVNG Intl (Blondes, Julia Holter). Cette série en est  à son neuvième volume. J' ai déjà abordé le sujet ici http://dancingwiththenoise.blogspot.fr/2012/03/en-passant-laurel-halo.html. On peut également découvrir toujours dans cette série les collaborations  regroupant Julianna Barwick& Ikue Mori (DNA), Blues Control & Laraaji, Excepter (avec Chris Carter), Psychic Ills (Faust + Juan Atkins et Butthole Surfers).

Dans "Icon Give Thank" la rencontre entre l' héritage de Perry et l' Hypnagogic-pop donne un résultat sublime. On se retrouve enfermé et emporté vers les cieux à l' intérieur d' une bulle  faisant office de vaisseau spatial. Et en plus, dans  cette bulle, l' auditeur baigne dans un tourbillon d'une multitude de textures sonores toutes plus plannantes les unes que les autres. Reverbes de guitares, sons ambiants(bruit de la rue) et interventions électronique en sont les ingrédients.  Le milieu aquatique est aussi présent avec le bruit de l' océan. La Jamaïque est une île et c' est peut-être ça qui explique beaucoup la philosophie et la phrase de Perry citée plus haut. Ce disque prouve qu' entre la nature et la technologie la frontière est perméable. Elles ne doivent pas être mise en opposition . Elles ne sont pas systématiquement ennemies. Ce disque serait-il une leçon donné à ceux qui caricature les idées écolos comme un simple retour à l' âge de pierre? Why not?

 Ce disque démontre l' énorme imagination et l' aspect novateur dont Perry faisait preuve il y a trente ans avec des moyens techniques dérisoires comparé à ceux d' aujourd'hui. Les merveilleuses harmonies vocales des Gladiators rajoutent un plus à la magie teintée de spiritualité qui se dégage de la musique des deux ex membres de Pocahaunted, Stallones & Gendras.

C'est peut-être le disque le plus abouti de la série des FRKWYS et qui la justifie ainsi amplement. Certainement l' un des disques du moment pour quiconque  préfère de nos jours regarder vers le future et s' aventurer en territoire inconnu. Les émotions de l' auditeur ne sont pas cantonnées à la béatitude naïve de l' Hippy pas encore redescendu de son trip 60's. Elles sont plus variées que ça. Il peut même arriver que l' on ressente de l' étouffement dans cette bulle et que le voyage dans lequel elle nous emporte nous fasse frôler le gouffre( "Happy Song").

Lien vers le disque et le label RVNG Intl, http://igetrvng.com/