Dancing With The noise nouvelle version. dernièrement:

DJ EARL nous offre un fantasme, ONEOHTRIX POINT NEVER version footwork


Il y a deux ans disparaissait l'un des piliers de la scène Footwork, DJ Rashad. L' effet sur cette scène s' apparenta à un deuxième coup de projecteur médiatique dont bénéficièrent les originaux de Chicago mais aussi leurs enfants à travers le globe. Je me suis déjà penché ici sur l'invasion planétaire et hors des barrières stylistiques du footwork. Sur son poids et son influence. Le crew de Rashad, Teklife, a mis du temps pour se remettre de cette mort prématurée. Artistiquement cela s' est traduit par un désir de renouvellement et une ouverture à des Dj provenant d' autres univers que le petit monde du ghetto de Chicago. 2015 et 2016 ont vu aussi Teklife avec DJ Spinn, Tripletrain ou le petit génie Dj Taye partir dans tous les sens et parfois se perdre dans la redite. Chose impensable pour un genre en permanente évolution et recherche de nouveautés à sampler. Ils avaient au moins le mérite de ne pas se reposer sur leurs lauriers et l' héritage Rashad, ce-dernier certainement étouffant par son importance et le rôle de meneur du bonhomme. Taso et Paypal s' en sortaient mieux peut-être parce qu' arrivés plus tardivement et s' étant construit en-dehors de la famille Teklife.
Il y a avait probablement un travail de deuil à effectuer. Le salut d'un footwork en perpétuelle mutations nous est venue de l'extérieur du crew de façon plus ordonnée et réussie. Dj Clent, Jlin, Dj Diamond et papi RP Boo nous ont épatés par leurs trouvailles, leurs goûts du risques et leur curiosité innés à ce style depuis toujours de toutes formes musicales en matière de sample. Glacial et orchestral pour Jlin, électronique de tout temps pour Clent et post-internet pour Paypal. Ce dernier étant peut-être le plus libre d' esprit de Teklife. La grammaire du genre s' est vue elle aussi réorganisée par l' afflux de vocabulaires étrangers.
Finalement, cet été 2016 aura enfin vu  le renouveau de Teklife avec la sortie du génial "Open your eyes" de Dj Earl. Ce disque est symbolique de la quête d' univers nouveaux par la scène Footwork et des capacités du genre à utiliser toutes sortes d' ingrédients. L' aspect entre-soi  des productions Teklife post-Rashad a disparu. Faut-dire qu'un sacré larron  a été appelé à se mêler à la famille. Le bon Daniel Lopatin d' Oneohtrix Point Never.


 Il doit être facile à imaginer pour le lecteur assidu de ce blog  tout ce que comportait comme excitation et impatience l' annonce de cette collaboration au mois de Juin. Pour moi la collision Lopatin/Footwork relevait du fantasme musicale absolu. A ce propos manque plus que la rencontre Footwork/Noise/Post-club/Post-internet.
Si Oneohtrix n'est présent qu' au crédit de trois titres sur huit la démarche vers l'univers des synthés et du détournement via les samples se fait présente sur les autres collaborations de Earl et son travail solo. On retrouve par exemple les manières jazzy (version free) du footworks mais sans en passer nécessairement et naïvement par l'utilisation de sample soul/funk/jazz du passé trop utilisés depuis les 80's et les 90's. Le footwork offre encore et toujours sa capacité avant-gardiste à chercher l'inconnu.
Le titre "Smoking Reggie" voit toute la palette Lopatin apparaître. Synthés stridents et répétitifs devenant planant puis subissant une attaque de sample agressifs un brin inattendus. Sur "Rachett" il accentue la physionomie oppressante innée du footwork et libère la liberté artistique de Earl et de ses comparses. Enfin sur "Let's Work" l' art du détournement Lopatinesque nous offre un sample incongru (saxo soprano?)  qui très vicieusement cache le passage d'une rythmique typique footwork à quelque chose de plus techno. On frôle un "mauvais goût" aux oreilles chastes (ou devrais-je dire réac?)  et nous nous retrouvons oppressé sur le mode orientale.

"Drumatic", titre sans OPN mais avec MoonDoctor, évoque Lopatin malgré tout. Earl récupère les sonorités synthés de ce dernier et son art du carambolage de samples immiscés dans des rythmes explosés puis réassemblés sans mode d' emploi. Pour les amateurs d' Oneohtrix on peut le voir comme ça, influence de Lopatin sur le footwork, mais pour les amoureux et les connaisseurs du genre chicagoans il s' avère que les choses ne sont pas si simples. On précisera aussi que l' une des premières artistes électro et d' avant-garde a s' inspirer de la rythmique Footwork et à le revendiquer n'est autre que Laurel Halo, proche de Lopatin. Les rythmes fracassés et l'utilisation de sample elle aussi proche de la collision chez OPN ont certainement été influencée par la découverte du style par le bon Daniel puisqu'elles n' étaient pas présente à ses débuts. Ce disque n'est pas une collaboration artificielle ou simplement incongrue. L' histoire en l' atteste.
Si "Smoke dat green" avec Taso est du footwork de très haut niveau on peut tout de même citer "Fukk it up" avec Manny et Taye comme étant le maillon faible des huit titres. On retrouve en effet un peu tous les travers et le sur-place du Teklife post-Rashad d'il y a un an.  Une recette devenue trop facile pour ses génies, bref on s' emmerde un peu. "Lotta A$$" souffre un peu des même tares mais fini par passer un peu plus.
Mais si il faut décerner en conclusion le titre de joyaux d'un disque qui est déjà l'une des réussites footwork de 2016 et ce un titre sans apport de Lopatin c' est bien à cette merveille de "All INN" qu'il se doit d' en appeler.  Une pure rythmique footwork se voit servir de fusée à une navette analogique nous emmenant planer dans des paysage à la fois lugubres, futuristes et limite dystopique. Planer à 160 Bpm. Drôle de sensation. Ma lubie de rythme frénétique copulant avec l' éthérée commence à prendre forme. Merci à Taye de nous faire rencontrer encore une fois l' intrigante Suzie Analogue comme collaboratrice.


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