Dancing With The noise nouvelle version. dernièrement:

En passant : Colin Stetson, bien plus qu'une bête de foire.



Je ne sais pas si vous connaissez ce vieux film des années 80 nommé "L' aventure intérieur" de Joe Dante mais ce souvenir cinématographique grand public m'est revenu à l' esprit à l' écoute du dernier Colin Stetson.
Ce film était lui-même fortement inspiré par un autre datant ce coup-ci des 60's, "Le voyage fantastique".
Pour les deux films l' histoire était basée sur une idée toute simple, des hommes  devenaient infiniment petits grace à la science et pouvaient ainsi explorer le corps humain. Réduit à la taille d'un globule rouge  un merveilleux spectacle  s' offrait alors à leurs yeux, des paysages insoupçonnables multiples et variés d'une beauté hallucinante et d'une ampleur digne de ceux que l'on peut admirer sur la planète. Une artère devenait un grand canyon au fond duquel coulait un torrent, le poumon une grotte sans fin ,l' iris de l' oeil un lagon des îles du pacifique et le cerveau avec ses connexions nerveuses une voie lactée par une nuit de pleine lune. A  d' autre moment le corps humain se révélait aux explorateurs être semblable  à un  ensemble industriel fait de machines bruyantes, agressives et fonctionnant selon un rythme mécanique . La traversée du coeur et de ses valvules évoquant une gigantesque masse écrasant des plaques de métal.
Le choc du spectateur venait qu' un corps humain, l' infiniment petit, recelait des beautés similaires aux grands espaces de notre univers l' infiniment grand, mais aussi qu'il s'y trouvait des ambiances très variées allant du bucolisme à la violence mécanique.

Colin Stetson avec son troisième volet des "History of warfare" produit exactement les mêmes sensations. Stetson nous offre à découvrir une multitude de  paysages magnifiques en nous guidant dans l' exploration sonore de son saxophone. Avec lui tout est à écouter. Tout est musique. Les notes qui s' échappent de son instrument bien sûr mais aussi le cliquetis des touches, les claquements des clapets, la nature  métallique  de l'instrument, son souffle et ses cris, mais aussi la respiration et la voix du musicien. L'humain et la machine.
 Le bonhomme dit avoir truffé son saxo d'une armée de micro, pas étonnant alors que face à la puissance du son on peut s' étonner qu'il a été enregistré sans le moindre ajout d' overdub. Inutile. Et voilà l' auditeur visitant cet instrument que l'on croyait si bien connaître.
Ce qui est fascinant chez le canadien c' est cette volonté jusqu'au boutisme de vouloir par tous les moyens tiré de son instrument des sons jusque là inconnus et ne pas s'en tenir au mode d' emploi. Oser avec l' objet une utilisation  inédite. On peut penser à Thurston Moore s' évertuant à tirer de sa guitare une furie sonore jamais entendu auparavant avec un simple tournevis ou un John Cage disposant des objets sur les cordes de son piano.

L' expérimentation faite souvent de motif répétitif de Stetson s' apparente bien sûr au drone mais le free jazz et le noise sont aussi de la partie quand elle devient plus abstraite. A certains moment ses emprunts au minimalisme d'un Steve Reich est traité à la sauce grasse  punk, chose déjà vu avec certaines formations post-punk. Je parlais de paysages magnifiques évoquant parfois la nature croisés en route, ce n'est qu'une partie du voyage. On est aussi confronté à de la musique industriel digne d'un Throbbing Gristle quand les claquements des touches et des clapets se font plus présents. L' ambiance devient étouffante, limite claustro comme chez la nouvel électro dark, Vatican Shadow ou Haxan Cloak. Dans l' instant d' après nous nous retrouvons à nouveau dans une vaste étendue bucolique porté par la voix de Justin Dervon (aka Bon Iver). Ce dernier est  présent sur plusieurs morceaux et écouter son chant se confronter à l' aspect industriel et bruitiste de la musique de Stetson qui est  à mille lieux de son folk habituel procure une divine surprise.

Avec ce troisième "History of warfare" intitulé "To see more light" Colin Stetson nous propose l'une des plus belle alternative au traitrain quotidien des flux rss musicaux. Un grand disque courageux, aventurier et novateur.
Un de plus à son compteur personnel.

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