Holly Herndon ? La grande dame de la décénnie.
Cinquième article sur l' artiste américaine (les précédents sont ici , ici, ici et ici sans parler des classements annuels et des référence dans d'autres articles). Mais que voulez-vous? Vous penser peut-être que DWTN en fait trop sur cette petite rousse au regard perçant. Si je vous dis que c'est l'un des plus grands disque de la décennie me croirez-vous ?
Avez-vous seulement écouté son dernier album "Plateform"?
Peut-être pas. Pas le temps ou tout simplement pas l'envie. Mais vous avez sans doute écouté des disques comme "Fun House"(The Stooges), "Low" et "Heroes" de Bowie, "A Love Supreme" de Coltrane, "Loveless" de MBV, "Trout Mask Replica" du Captain, "White light/White Heat" de Loulou et sa clique, "Trans Europe express" des robots boches, "Metal Box" d'un autre roux génial, Silver Apples et leur éponyme, "Blue Monday", "Sergent Pepper", les disques d' Arthur Russel, Monoton, Joy Division, Herbie Hancock, "Kid A", "Dummy", "Marquee Moon". Bien sûr. Je reconnais qu'il en manque de ces putains de grands disques et artistes qui ont participer à écrire la grande histoire, des génies sans qui notre présent ne serait pas tout à fait le même. Des gens, des visions, des oeuvres qui ont influencé, influencent et influenceront ,au grand jour ou en sous-terrain, la musique pour encore très longtemps.
Et bien voilà sombre être vivant dans l' obscurité et les tréfonds de l'ignorance faute simplement de n'avoir pas encore écouté le dernier Herndon. Voilà tout ce que vous avez ratez.
Que n'ai-je pas encore écrit sur Holly Herndon? Que c'est le croisement d'une Bjork et d'un Brian Eno pour notre époque? C'est une évidence. "Plateform" est le disque à écouter absolument pour répondre à cette simple question :"C'est quoi la musique des années dix du 21 ème siècle". Vous aurez l'air malin dans 30 ou 40 ans ceux qui répondront Arcade Fire, du garage pop, de la soul, du blues, du hip-hop ou que sais-je encore. Les jeunots vous diront: "Mais c'est pas des trucs du 20 ème siècle? Et dis-donc papy, t'as pas perdu un peu trop de ton temps à resté accroché au siècle qui t' as vu naître toi et ton rock et pas assez à celui qui t' as vu mourir, toi et encore ton putain de sclérosé de rock à guitare et d' électro à synthé?" Notre époque est encombrée de redite, de nostalgie et de pré-mâchage. Loi ultime du capitalisme, donnez leur ce qu'il réclame, et tant pis si c'est du déjà vu, du facile ,du pétochard et de l'inutile. Constat mille fois abordé dans ce blog. Le 20 ème siècle musical n'en finit pas d' effectuer des rappels devant un public ne croyant plus en rien pour des raisons franchement méprisable et dénuée de réflexion. Ce monde a besoin de changement et pour cela il n'y pas trente six solutions. Innovation, courage, réflexion et indépendance face aux poids des idées reçues, du passé et de la facilité. "Platefortm" c'est tout ce qu'il faut.
C'est le souffle de l'inconnu, du zéro compromis et de la révolution. Holly Herndon , quant à elle, n' a jamais regretté le passé, n'a jamais pris peur face au futur et aux nouvelles technologies. Elle les adore et les prend tel quel. Ce n'est pas non plus une illuminée aveugle des dérives du modernisme mais pour autant elle ne veut pas jeter le bébé avec l' eau du bain et apporte la lucidité nécessaire en cest temps confus sur un plateau. La technologie est-elle bonne ou mauvaise pour la musique? Pour Herndon c'est plus que clair. "Ni l'un, ni l'autre. C'est l' extension de la pensée humaine". Une autre fois elle a dit "une extension de la société porteur de notre savoir et de nos motivation". Avec ses dérives comme la surveillance constante de donnée informatiques, les inégalités qu'elle crée ou qu'elle ne peut éliminer. Thèmes récurents du grand disque qu'elle vient de nous offrir. Et pour les adorateurs sous éclairés du culte d'une quelconque "authenticité" uniquement retrouvable dans les cordes d'une guitare ou de cuivre, des technologies qu'il faudrait leur rappeler ne datent pas de la nuit des temps et certainement pas inscrit dans le génome humain mais pour la plus part transformées au cours du 20ème siècle par les progrès technique. Ce même progrès qu'ils ne veulent plus aujourd' hui et qui leur fait si peur. Herndon leur balance à la gueule "l' ordinateur est l'instrument de l' hyper émotionnel".
Holly Herndon annonce à tous les toxicos du passé, les feignants du futur, les commerçants de la nostalgie une terrible réalité pour eux. Pas d'une manière vraiment provocante ni agressive mais avec réflexion et intelligence. Ils auront beau faire l' autruche, le futur est déjà dans le présent. Prêt à se jeter sur eux et les engloutir dans sa gueule béante, direction les chiottes du passé via les intestins de l' accoutumance et l'usure du temps et des sucs gastriques. Liz Harris le rappelait dans son dernier disque. Sa voix et sa guitare sans âges, si réconfortantes et sans dangers pour certains, se voyaient ainsi parasité par le beep d'un four micro-onde. Moment de vie ultime pour les uns, gadget ou accident à ne pas reproduire pour les autres . Holly Herndon a laissé tomber la guitare de Liz et en gardant la voix humaine s'empare du son de l' appareil électroménager pour réinventer la pop-music. A l'instar de Daniel Lopatin (Oneohtrix Point Never) la décontextualisation et l' empreinte technologique ouvrent les pistes, chamboulent tout pour innover. Elle aussi utilise les sons informatique mais pas seulement. Le sable que l'on gratte sous nos chaussures ou le chewing gum qui éclate et colle au basque deviennent la sonnette de "A day in the life" voir carrément ses violons. Le chien de Pet Sound et finalement ses choeurs su "authentiquement humains"pour ceux qui préfèrent le Brian Wilson. Les premiers synthés et première batterie électronique de Kraftwerk pour ceux savent la premier ère de la prise au pouvoir de l' électro est close et que l'on est passé à la seconde. Vous pouvez jeter vos Rollant, ça fait vingt ans qu'ils ont rejoint les Fender au musée de l'institutionnalisation et de la récupération mercantile. Les Choeurs chez Herndon sont même parfois remplacée par un bâillement passé par la laptop. Le Laptop, sa marotte depuis ses débuts : "Le laptop est l'instrument qui peut faire des chose qu'aucun autre instrument n'a pu jusqu'à présent. Et je pense aussi qu'il est l'instrument le plus personnel que le monde ait vu". Bon bien sûr mieux vaut qu'il soit entre de bonnes mains et pas celle de Booba. Inventivité totale et sans bornes. Je reconnais que moi aussi j' ai pensé à Lucille devenue orphelline depuis que BB King s'en est allé. Mais de là à scotcher éternellement dessus faut pas abuser.
Certains parlent à son sujet de Laurie Anderson et de son bijou légendaire mariant avec succès pop et expérimentation avant-guardiste , "O superman". En plein dedans ! A ce sujet Holly Herndon pose des mots sur ce qui n' effleure même pas certains esprits dans les surproductions et surconsommations de musiques actuellement. Sur ce que doit être les musiques pop après leurs prise de pouvoir du 20ème siècle. Des évidences que tous au moment de créer ou d' écouter de la musique nous devrions avoir en tête.
"Je ne veux pas revenir à un espace traditionnel nostalgique. J'aime l'idée de travailler avec des choses qui sont certes connues des gens mais avec plus de fantaisie. Nous ne devons pas recréer quelque chose de vieux pour toucher les gens".
Herndon parle ici de la zone de confort désiré plus ou moins par le publique et que trop de musiciens cherchent à recréer tel quel pour charmer. Par calcul ou par ignorance et manque de discernement. Ce que veut Herndon c' est ce que tous les artistes importants cités plus haut ont désiré et réussit à faire. Redéfinir ces zones de confort. Encore une fois.
Réinventer la pop. Ses crochets, ses manières, ses symboles. La faire coller au plus près de condition humaine de son époque. Dépasser le stade du simple divertissement.
Holly herndon y réussit magistralement dans "Plateform". D' abord par sa façon de raconter une histoire, de nous conter des émotions. Rarement et depuis longtemps on a croisé des manières autant libres et courageuses que juste et actuelles. Les mélodies fabuleuses semblent venue de nul-part, se faufilant entre des rythmes disloqués et des beats sophistiqués et glaçants. Toutes ces composantes tournent autour de l' auditeur comme le font les objets dans son clip pour "Chorus". De la musique tri-dimensionnelle. Normal, la demoiselle le dit elle même : "Je pense souvent aux morceaux d'une manière visuelle, peut-être sculpturale". John Lydon quand il créa PIL avait en tête la capacité de la production jamaïquaine à agir sur nos corps et aussi dans ce but les nouveaux outils technologiques offert par le Krautrock et Suicide. 35 ans après c'est la même chose et pourtant que le chemin parcouru en territoire étranger semble gigantesque après écoute de "Plateform". Herndon pense aussi à l' effet de la musique sur nos corps, nos sens et notre cerveau mais en plus elle les exploitent comme jamais auparavant. La musique qu'elle crée n'aurait pas pu exister sans les ordinateurs, mais la démarche qu'elle entreprend est la même que celle de ses illustres ancêtres.
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