Dancing With The noise nouvelle version. dernièrement:

En passant : Logos. Quand le futur vous gifle le visage il prend les traits de la vaporwave et de l' UK Bass . Plus , Nguzunguzu, Kelela, Jam City & Egyptrixx.



L' hiver a commencé et l' air glacial en provenance du pôle Nord déboule sur nos pays au climat tempéré. Il frigorifie encore plus notre société capitaliste aux aboies et en crise. Pas de souci avec la gifle Logos la bande-son pour affronter la sinistrose en refusant le repli sur soi est toute trouvée et en plus elle nous offre ce que l'on n'ose plus regarder en face, le futur.



"Putain !" Voilà mes premiers mots une fois que ce grand disque qu'est "Cold Mission" venait de me perforer les tympans. Tout mon esprit et mon corps ne se remettent pas des blessures infligées par cette sorte de Uzy musical qu'est le premier album de Logos. Bien sûr si j' emploie la pathétique et caricaturale métaphore de l'arme trop souvent associée aux gangs citadins ce n'est pas un hasard. Les ingrédients de la musique de Logos sont déjà fichés et proviennent des zones urbaines d' Angleterre des 20 dernières années.  Les ondes radios des émissions  pirates qui pullulaient dans le Londres de l' époque sont revenues sur terre et le grime et la jungle se rappellent à notre bon souvenir. Les fans du classique "Boy in da Corner" de Dizzee Rascal (grand disque essentiel des 00's) vont s'y retrouvés sans non plus vraiment identifier  certains paysages du territoire exploré par Logos. Tout simplement parce qu' avec le bonhomme on est très loin d'un simple revival déguisé de musique des dancefloors 90's ou 00's.
Si Logos s' empare dons  d' éléments du passé ce n'est pas pour nous les recracher bêtement à la figure . Par son talent prodigieux dans l' art de détruire pour mieux reconstruire il bouscule les habitudes nostalgiques en y injectant tout ce qui fait ou va faire la Modernité en 2013 et  les années à venir. Avec James Parker (aka Logos) le grime et la jungle sont plongée dans de l' azote liquide givrée et se retrouvent confrontés à certaines choses que les lecteurs de Dance with The Noise connaissent que trop bien. Comprenez une bonne dose de sonorités cybernétiques similaires à ce que je nommerai "la bâtarde de l' hypnagogic-pop", la Vaporwave. Depuis quelque temps certaines correspondances apparaissent entre deux courant apparemment éloignés, une musique expérimentale souvent américaine (Oneohtrix Point Never, Ferraro) d' une part, et de l' autre celle en provenance des dancefloors british la plus part du temps.



LA VAPORWAVE ? Quésaco?
Ça faisait longtemps que DWTN voulait faire le point sur ce nouveau genre apparu à la suite de l' hypnagogic-pop et même si elle ne transparaît pas de façon très évidente dans la musique de Logos j' ai décidé que justement "Cold Mission" était l' occasion parfaite. Pourquoi? Parce que justement ce nouveau courant musicale que certains  ont voulu trop rapidement cloisonner dans la case "micro-genre pour geeks" voit son influence grandir et certaines de ses caractéristique apparaissent dans d'autres courant apparemment éloigné. Logos en est la preuve irréfutable. Dans la musique de Logos certains  éléments et  façons de faire Vaporwave tape l'incruste dans ces vieux genres que sont le Grime et la Jungle mais aussi dans ce qui les a suivi et ce qui domine la scène actuellement, l'UK bass. On peut citer Rustie ou Jam City pour l' exemple. Comprenez dans le terme généraliste d' UK Bass (parfois appelé Uk Funky) un gloubi boulga de toutes les  nouvelles  musique de danse apparu en Angleterre et ailleurs ces dernières années (Dubstep, UK Funky, la wonky music, le maximalism  ou encore la purple-sound).
 Beaucoup de sample synthétiquement trafiqués aux sonorités agressives, cristallines et froides. Des samples provenant à l' origine des vidéo d' entreprise (VHS), des publicité, jeux vidéos, des musiques ambiantes (musak) perçues dans les centres commerciaux et enfin des systèmes d' exploitation informatique. En résumé la Vaporwave détourne et manipule des sons utilisés à l' origine par l' industrie et le commerce  pour leurs qualités synonymes de douceurs, relaxation,et d' asepsie. La Vaporwave et certains représentant de l' UK Bass nous les refourguent sous forme de notes très brèves et défigurée qui répondent en écho à d' autres échantillons comprimés et subissant également une très grosse réverbération dans certains cas.
Et c'est ici qu' il va me falloir quitter le domaine de la musique pour en aborder d' autres et parler un petit peu de notre société contemporaine. Parce que dans la Vaporwave comme dans "Cold Mission" transparaîent des dimensions autres qu' artistiques qu'il faut bien connaitre pour mieux apprécier ces instants de musiques parfois rugueux et destabilisant à leur contact . La Vaporwave est un genre important parce qu' elle a su capter l' air du temps en pointant le doigt sur l'une de ses plus importantes caractéristique.
La Vaporwave chère à James Ferraro et consort ce n'est ni plus ni moins qu' une critique ou une simple constatation  anticapitaliste du consumérisme et des travers/mensonges  du monde virtuel provenant des technologies et de  la culture numérique. Et là je suis encore obligé de m' éloigner encore plus du pure domaine  musicale pour vous parler d'une théorie philosophique nouvelle au sujet du capitalisme triomphant actuel. L' accelerationism.
Beaucoup voit ainsi dans la Vaporwave le pendent musicale de ce truc dont vous n' avez certainement jamais entendu parlé dans nos contrées sauvages française. L' accelerationnism !
En gros le speach c'est que ce système économique que l'on appelle capitalisme ou néo-libéral (et sa fameuse société du spectacle) se nourrit de tout et qu'il ne tombera que sous son propre poids. Du coup deux réactions sont possibles.Notez bien qu' appliquer cette théorie en musique a des conséquences humaines bien moins catastrophiques que si il était appliqué à l' économie et à la politique. C'est l'un des avantages majeurs de l' art.
Donc voilà ces deux réactions.
Soit naïvement on affronte frontalement ce capitalisme actuel et ses mensonges en partant par réflexe en quête de ses inverses, l' authenticité et la vérité. C'est l' attitude majoritaire en ce moment. Ce qui se résume peu ou prou à un retour en arrière d' où l' omniprésence actuelle du phénomène Rétro et et ce qui lui est exagérément souvent relié dans les esprits, le culte des techniques lo-fi issues passé (dans l'indie music par exemple). Attitude que l'on peut définir parfois comme "réac" puisque l'on rejette la modernité et la réalité mais qui est surtout  une attitude désespérée et utopiste vu que justement, le système  ingurgite et dénature tout. A commencé tout naturellement par le passé. Le rock indie devenu un divertissement comme un autre avec un contenu appauvri en éléments de contestation au système (à cause de l'usure du temps?)en est un parfait exemple avec ses multiples revival et ses groupes phares (Arcade Fire ne changera pas le monde, il nous divertira uniquement).

Ou bien, et c'est ça l' accelerationism,  on estime que s'opposer à ce système est illusoire et qu'il vaut mieux le laisser grossir jusqu'à ce qu'il s' effondre sur lui même. Et tant qu'à faire autant lui donner à bouffer ce qu'il désire. Bref, accélérer ce processus irréversible. Ferraro et ses copains de la vaporwave font exactement ça en musique. Plutot que par désespoir lorgner un peu trop le passé ils veulent accélérer justement le processus, donc anticiper le future et utiliser les sons et les techniques du présent qui quoi que l'on en pense, existe bel et bien et influent sur nos vies. Plutot que le replie et piquer les sons et les moyens techniques du passé jugé "authentique" (guitare, voix naturelles) ils ne veulent plus avoir peur du futur et ainsi récupèrent et détournent ceux  hyper modernes du monde virtuel  jugés par les tenants de la première solution trop "artificiels" et "inhumains" . Jugement bien souvent influencé par une peur aveugle. Ainsi  des sons informatique présumés être "artificiel" à l' oreille  sont détournés pour justement dévoiler les mensonges du monde virtuel et du capitalisme. Cette attitude de ne plus avoir peur de la technologie moderne et de son caractère "inhumain" a bien été résumé par Holly Herndon (ici) et ses déclarations passionnées pour le laptop entre autres:"Le portable (l'ordinateur) peut faire des choses qu'aucun autre instrument n'a jamais été en mesure de le faire, et je pense aussi que c'est l'instrument le plus personnel que le monde ait jamais vu"


Revenons à la musique. Avec la Vaporvawe ,comme du reste avec sa "maman" l' hypnagogic-pop, on peut distinguer certains élément récurrents. Un semblant de New Age façon électronique, le  goût prononcé pour les effets caractéristiques des systèmes de sonorisation des salles de cinéma et les BO, et l' omniprésence déjà abordée plus haut des sons digitaux et informatiques puissants qui vous agressent autant qu'ils vous hypnotisent. Eléments régulièrement présents chez des artistes comme James Ferraro, Rustie et le maximalism, Arca, Gatekeeper, Fatima Al Qadiri, Jam City  et bien sûr le génial et visionnaire Oneohtrix Point Never. Comme avec ce dernier ne vous attendez pas à un déluge de mélodies ou de rythmes endiablée sans fin. La musique de Logos se vautre la plus part du temps dans une certaine forme d' abstraction très loin des canons pop et rock.
La grande différence entre les artiste typiquement Vaporwave(Ferraro, Macintosh Plus, Club Internet et Saint Pepsi) et ceux proche de la UK Bass (Jam City, Gatekeeper entre autres)  réside dans les sensations ressenties à l'écoute de leurs musiques respectives. Avec les premiers c'est une musique tenant à la fois du sacré et de la réalité évoquant les rèves.  Les seconds offrent des musique beaucoup plus violentes et agressives, des rêves devenus cauchemars parce plus plus rentre-dedans grace notamment  à  leurs aspects urbains.


 Logos se situe entre les deux en déclinant des paysages vaporwave désolés, étranges  et glaciales parce que la texture sonore est très "cybernétique".  Des songes où le silence est très présent ("Surface Area", ""Ex 101" ou "Swarming") mais qui ,parfois,  voient l' intrusion du bruit (de la violence) avec la présence d' éléments en provenance du dancefloor ("Seawolf","Wut it do"). Par exemple le grime (son d' arme à feu et rythmique plus présente).




NIGHT SLUGS & FADE TO MIND:
 les deux labels têtes de pont de la Vaporwave sur les dancefloor.

Si un seul nom contemporain est à citer au propos de Logos c'est immanquablement celui du projet de Jack Latham, l' essentiel et futuriste Jam City. Jam City, le grand disque écouté des centaines de fois par votre serviteur et ignoblement oublié dans le top 2012.
Jam City est signé sur le label anglais phare de l' UK Bass créé par L-Vis 1990 (cf , Night Slugs. Chez eux on peut retrouver deux vieilles têtes connues des lecteurs de DWTN. Girl Unit et Egyptrixx. Egyptrixx justement, parlons-en. Avec son dernier album ("A/B til infinity") lui aussi lorgne parfois sur son collègue Jam City et donc sur la Vaporwave. Quand à Jam City sa dernière livraison atteint les sommets et on attend avec impatience la suite du déjà devenu un classique, l' immense "Classical Curves".




Passons de l' autre coté de l' Atlantique avec l' alter égo US de Night Slugs, Fade To Mind. Label fondé par Kingdom repéré autrefois chez ... Night Slugs bien sûr ! C'est chez eux qu' une vieille connaissance refait parlée d' elle via la sortie d'un ep. Les imprononçables et pourtant géniaux Nguzunguzu. Avec eux le UK garage adopté par Jam City et Logos est confronté une nouvelle fois à la vaporwave mais pas seulement, une autre lubie de DWTN pointe son bout du nez, le footwork! Mais si vous voulez de la  vaporwave pure jus Fade To Mind possède aussi un sacré argument, et quel argument. La belle et talentueuse Fatima Al Qadiri dont je vous avais déjà parlé ici.


Et comment ne pas passer à coté de cette vidéo pondue pour leur titre "Mecha". Après les superbes oeuvres de Robak pour Gatekeeper et Fatima Al Qadiri c'est au tour de Jude MC d' utiliser l' imagerie des jeux vidéos et leur modernité pour coller à la musique tout autant moderne de Nguzunguzu.
Plein les yeux, plein les oreilles !


Fade To Mind fait très fort en ce mois de novembre parce que non seulement le ep de Nguzunguzu est peut-être le meilleur depuis leurs débuts mais en plus ils ont dégoté un nouveau nom qu'il faudra retenir. Toutes ces histoires de futur et de musique urbaine manquait de féminité mis à part Fatima Al Qadiri. C'est chose faite et de quelle manière avec la mixtape tuerie du mois. La géniale "Cut 4 me" de Kelela Mizanekristos. La belle y brille non seulement par son propre talent et son songwritting original mais aussi par les noms des invités venus lui filer un sacré coup de main. Des artistes de la maison (Nguzunguzu), le patron du label (Kingdom) mais aussi ceux du cousin anglais Night Slugs (Girl Unit et bien sûr Jam City). Déjà croisée aux cotés des Teengirl Fantasy (leur dernier ep est bien mieux que leur album récent) la belle prend les manières futuristes de ses petits camarades pour nous offrir un bien curieux r'n'b ensorcelant.


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